Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 9.djvu/888

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
ODE


O vous que j’ai aimée aux jours de ma jeunesse
D’un sombre amour,
O Forêt, vous étiez la sœur de ma tristesse
Et son séjour !

Lorsque le renouveau de vos feuilles naissantes
Chantait au vent,
Que l’Automne parait vos cimes bruissantes
D’un or mouvant,

Quand, fraîche d’espérance et lourde encor de gloire,
Votre beauté
Paraissait tour à tour l’annonce ou la mémoire
De votre Eté,

Au lieu d’unir mon cœur à votre âme profonde
Mêlée en lui,
Je vous portais mes pleurs et ma peine inféconde
Et mon ennui.
 
Je ne respirais pas votre odeur saine et forte,
A plein poumon ;
Il me semblait partout traîner des feuilles mortes
A mon talon.

Vous étiez patiente au bruit sous la ramée
De mon pas lourd ;
Pardon de vous avoir, ô ma Foret, aimée
D’un sombre amour !

Ce n’est plus celui-là maintenant que j’éprouve,
Ce n’est plus lui,
Et, lorsque dans votre ombre encor je me retrouve,
Comme aujourd’hui,