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M. Drouyn de Lhuys, que la Conférence n’a plus de but pratique, nous en dispense. Il y a assez de complications en Europe pour que nous désirions éviter d’en ajouter une de plus. Si, en adhérant à la dissolution de la Conférence, M. Drouyn de Lhuys renouvelait sa déclaration quant au traité de 1856 et à la convention de 1858, vous pourrez faire observer que le cabinet impérial a toujours pratiqué pour sa part le respect des transactions existantes, mais sous la réserve que le respect sera réciproque et qu’on ne saurait maintenir aucun article isolé d’un traité quelconque, pas, plus l’article 27 que tout autre, si les autres articles du même traité se trouvaient enfreints par l’une des parties que ces stipulations concernent (12 juin 1866). »

Ces lamentations du chancelier russe n’émouvront pas l’histoire, car elles s’adressaient mal. Sans doute la Russie venait d’être mystifiée, mais non par le peuple roumain. Le mystificateur avait été l’ami de Berlin, niant sa coopération, prétendant n’avoir rien su et désavouant pour la galerie ce qu’il eût été en son pouvoir d’empêcher par un seul mot. Et, contre celui qui l’avait vraiment joué, le chancelier russe n’osait pas répéter la plainte de son ambassadeur à la Conférence.

La protestation contre l’heureuse aventure, grâce à l’appui de Napoléon III, se borna donc au refus du Sultan de recevoir de l’envoyé roumain Golesco la lettre dans laquelle le prince exprimait ses regrets que la situation intérieure des Principautés l’ait forcé de passer par Bucharest avant de se rendre à Constantinople comme il en avait l’intention.

Dès qu’on s’en remettait aux négociations, l’affaire était pacifiée ; les négociations, c’est comme l’établissement d’une commission dans un parlement : le moyen de ne rien faire, en se donnant l’air de faire quelque chose.

Le prince Charles put installer en paix son gouvernement, envoyer son armée sur les frontières turques, appeler en toute hâte des instructeurs prussiens pour la défranciser et l’encadrer ; et l’attention publique ne fut plus détournée, par cet incident latéral, du drame qui s’engageait entre les deux Puissances germaniques.


EMILE OLLIVIER.