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l’envoi d’un commissaire ottoman accompagné d’un délégué désigné par les représentans des cours garantes à Constantinople. Son exposé des motifs persistait à rendre le gouvernement prussien responsable des actes du prince Charles : « Dans le cours des délibérations, dit-il, les Puissances signataires des traités ont unanimement adressé aux Principautés l’invitation solennelle et réitérée de se conformer aux stipulations internationales, seule garantie des immunités dont elles jouissent. La Prusse s’est associée à ces démarches, et cependant, c’est un membre de sa famille, un officier de son armée, qui a commis cette usurpation. »

Les ambassadeurs turcs se rallièrent à la proposition Budberg. Drouyn de Lhuys, gagné par l’Empereur au prince Charles, la combattit : « Une intervention militaire, conséquence de la proposition russe, ne manquerait pas de déchaîner une lutte sanglante, prélude de complications européennes. » L’ambassadeur d’Angleterre se rallia à cette manière de voir, ainsi que le ministre d’Italie. L’ambassadeur prussien dit qu’il en référerait à son gouvernement. Metternich exprima une opinion favorable, en principe, à la proposition, ne réservant que la question d’opportunité. Ces divergences tirent qu’on ne prit aucune résolution.

Gortchakof, fatigué d’être berné, se retira en notifiant sa retraite en termes amers, et il prit acte de la brèche pratiquée dans les traités dont on avait la prétention d’imposer le respect intégral à la Russie : « Le premier soin de la Conférence a été d’inviter le gouvernement provisoire à se borner au maintien de l’ordre sans préjuger les décisions des grandes Puissances : le gouvernement provisoire n’en a tenu aucun compte. La Conférence a prononcé l’exclusion de tout prince étranger : il y a été répondu par le plébiscite qui appelait au trône le prince Charles de Hohenzollern. La Conférence a déclaré l’élection du prince illégale : il a été acclamé, et il a pris possession du pouvoir qu’on lui avait décerné. Il était impossible de se jouer plus audacieusement des décrets de l’Europe, et, en présence de ces actes de prépotence d’un État de quatrième ordre, la Conférence ne trouve rien à faire que de s’incliner devant les faits accomplis et de laisser à la révolution le soin de défaire son propre ouvrage. Nous ne saurions nous associer à une pareille comédie… » Il ajoutait cependant : « L’intention de Sa Majesté n’est pas que vous entriez dans aucune récrimination : l’aveu de