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affectueusement, groupée autour de lui, pour laquelle il nourrissait de vastes ambitions. Son fils aîné, le prince héréditaire Léopold, avait épousé la princesse Antonia, sœur du roi de Portugal (12 septembre 1861). Sa fille Marie s’unit plus tard à Philippe de Belgique, comte de Flandre ; ses deux autres fils, Charles et Antoine, servaient dans l’armée prussienne. Le prince Charles, lieutenant au 2° régiment de dragons de la garde, était un beau jeune homme de vingt-sept ans, intelligent, sérieux, appliqué à son devoir militaire.

Nonobstant ses liens d’alliance avec la famille des Napoléon, le prince Antoine était aussi peu Français de sympathies que le plus fougueux des professeurs membres du Nalionalverein : il partageait toutes les rancunes et nourrissait toutes les ambitions allemandes. Le régent l’avait appelé à la tête de son premier ministère ; il était actuellement général d’infanterie, président de la commission des ingénieurs, gouverneur militaire de la province rhénane et de la province de Westphalie. Il avait conservé les relations les plus amicales et les plus confiantes avec le roi Guillaume. Quand il venait à Berlin, il descendait au palais royal, et il s’y rendait à tous les anniversaires de famille. On ne sait pas exactement comment fut conçue l’offre qui lui fut faite de la couronne de Roumanie pour son fils Charles. Voici ce que j’ai pu démêler. Les moteurs révolutionnaires principaux de la conspiration contre Couza, Bratiano et Rosetti s’étaient partagé la tâche : Rosetti, demeuré à Bucharest, y organisait le coup de main matériel ; Bratiano, venu à Paris, y préparait l’opinion française et cherchait un remplaçant au prince dont il tramait le renversement. Je l’ai connu chez Michelet : il était beau, charmant, tout flamme et séduction. Dans le monde d’opposition où il évoluait, il rencontra Mme Cornu, amie intime de la famille Hohenzollern-Sigmaringen et toute dévouée à ses intérêts. Lequel des deux, la révolution une fois consommée à Bucharest, pensa d’abord au prince Charles ? Quand l’idée fut-elle accueillie par tous les deux ? Quelles mystérieuses négociations s’engagèrent entre le chef de la famille Hohenzollern, Bratiano et Mme Cornu ? Je ne le sais pas.

Le prince Antoine accueillit avec satisfaction la perspective d’un trône pour son fils ; toutefois son premier mot, aux ouvertures de Bratiano transmises par Mme Cornu, fut : « Il faut avant tout que f obtienne l’autorisation du Roi, sans laquelle je ne puis