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quelque petits qu’ils fussent, ils étaient indépendans dans leur principauté. À partir de 1849, ils deviennent les subordonnés de la maison royale de Prusse : d’abord politiquement, par le traité d’État de 1849, ensuite privément, par le pacte de famille de 1851, et ils en reçoivent comme marque de subordination une rente annuelle, collier de servitude attaché à leur cou.

Est-il un homme sensé et impartial qui, en présence d’actes aussi expressifs, puisse contester qu’à moins de se mettre en état de rébellion et de félonie et de perdre la grâce et l’affection du chef suprême de la famille, aucun prince de la maison Hohenzollern ne peut accomplir d’acte politique, surtout celui si grave d’accepter une couronne, sans demander et obtenir l’autorisation du chef politique et familial, le roi de Prusse ? Il s’est cependant trouvé un historien éminent, mais trop souvent aveuglé par le parti pris systématique, Sybel, pour soutenir qu’en cas d’offre d’une couronne, les princes de Hohenzollern-Sigmaringen ne relevaient que de leur volonté et qu’ils n’avaient pas plus d’autorisation à demander au roi de Prusse que celui-ci n’avait de titre légal pour émettre une défense[1].

« Le Statut de 1821, dit-il, spécifie quatre cas dans lesquels doit s’exercer l’autorité du chef de famille. Or, l’acceptation d’un trône n’y est pas comprise. » Je le crois bien ; ce ne sont pas des hypothèses qu’on prévoit ; mais le cas entre par un a fortiori évident dans l’interdiction d’accepter sans autorisation un service civil ou militaire à l’étranger. Une royauté, n’est-ce pas la forme la plus complète et, si je puis dire, la plus intense, du service civil et militaire ? Un de mes amis diplomates a entendu le roi Guillaume, reprenant ses fonctions royales après une maladie, dire : « Je viens de reprendre le service. » Comment le consentement indispensable pour le moins ne le serait-il pas pour le plus ? En outre, si le Statut énumère particulièrement quelques

  1. L’analyse donnée par Sybel du Statut de famille n’est pas complètement exacte. Cet acte ne refuse pas le titre d’Altesse royale aux Hohenzollern, pas plus que le droit de succession éventuel qui avait été formellement réservé à titre de prétention par le traité de 1849. On n’y retrouve mention ni de l’un ni de l’autre de ces faits : on dit simplement que les privilèges réservés aux Hohenzollern seront primés par ceux des agnats aptes à succéder, ce qui n’avait jamais été contesté, car les Hohenzollern ne s’étaient réservé leur prétention à succéder qu’au cas d’extinction des agnats mâles de Brandebourg. Enfin, l’acte ne rattache pas l’obéissance et le respect à la qualité de chef de famille ; il dit, au contraire, que les devoirs existaient avant que le roi de Prusse eût obtenu les droits attachés à cette qualité par la transmission qui en avait été faite le 26 mars 1851.