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L’émotion fut vive : le ministre des Affaires étrangères, Ali, convoqua chez lui les représentans des puissances garantes. Il leur déclara solennellement que, le firman de 1861 ayant limité l’union des principautés au règne du prince Couza, cette union cessait de plein droit par son renversement. Il leur proposa de désigner un de leurs délégués qui, de concert avec un commissaire impérial, irait procéder à une enquête sur la révolution, ses causes et ses conséquences. Enfin il annonça qu’il envoyait au quartier général de Choulma l’ordre de rapprocher des troupes de la frontière moldo-valaque et de garder toute la ligne du Danube. Moustier, ambassadeur français, était favorable aux Roumains, comme leur était hostile Ignatief, qui disait tout haut : « On veut soulever de nouveau la question d’Orient ; eh bien, nous recommencerons la guerre. » Cependant, aucun d’eux n’ayant d’instructions, ils en référèrent à leurs gouvernemens.

Drouyn de Lhuys proposa aux puissances de dessaisir la conférence de Constantinople et de transporter la délibération à Paris. La Prusse et l’Autriche furent empressées l’une et l’autre à déclarer leur désir de conformer leur politique à celle de l’Empereur. Gortchakof se fit davantage prier. Selon lui, les conférences antérieures ayant conclu des accords formels en prévision des événemens qui venaient de se réaliser, il ne s’agissait que de savoir si ces conventions seraient ou ne seraient pas exécutées. Si elles l’étaient, l’action des ambassadeurs accrédités à Constantinople serait suffisante ; si elles ne Tétaient pas, à quoi bon réunir une nouvelle conférence, dont les décrets ne seraient pas plus respectés que les précédens ? Il ne céda qu’aux instances du cabinet de Londres et aussi, dit-il à notre ambassadeur, à la conviction « qu’une affaire traitée sous les yeux mêmes de Napoléon III ne pouvait manquer d’être envisagée avec les vues les plus élevées et les plus propres à amener une conciliation. »

La France proposait le maintien et la consécration définitive de l’union, et l’élection d’un prince étranger, soit par une assemblée de députés des deux principautés, soit par un plébiscite. La Russie, convaincue que la Moldavie était disposée à se séparer, proposait la convocation de deux assemblées, l’une à Bucharest, l’autre à Jassy, avec la nomination de deux hospodars indigènes.

Drouyn de Lhuys fit demander à Bismarck, qu’on considérait décidément comme l’allié et l’ami, d’appuyer sa proposition.