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Suivant la méthode prussienne d’inaugurer les unions politiques par une union économique, Bismarck commença par conclure rapidement avec l’Italie le traité de commerce tant de fois repris et suspendu (12 mars). Enfin il fit prier La Marmora, par Usedom, son ministre à Florence, de lui envoyer un personnage de sa confiance, ayant pouvoir, de concert avec le ministre italien à Berlin, de Barral, de conclure un traité en vue d’une action prochaine contre l’Autriche.


II

La lettre du roi Guillaume que Goltz, avec l’approbation de Napoléon III, laissa ignorer à Drouyn de Lhuys, annonçait une évolution dans la politique agressive de Bismarck, dont Guillaume adoptait les principes. La guerre pour l’annexion des Duchés eût mis toute l’Allemagne du côté de l’Autriche et elle n’aurait pas assez rapporté à la Prusse. En flattant la passion nationale de l’Unité, on gagnerait plus et on encourrait moins d’hostilités. Goltz fut chargé de ne pas le laisser ignorer à l’Empereur. Il lui dit en propres termes que l’action politique de la Prusse ne se bornerait plus désormais aux Duchés, qu’elle tendrait à créer une union étroite des États du Nord de l’Allemagne sous la direction prussienne. Il fit même entendre que l’un ou l’autre de ces États, à cause de son attitude hostile, aurait à subir une subordination plus directe, et enfin que, si la Bavière, sur laquelle Bismarck s’obstinait à compter, accordait son concours, elle recevrait la direction militaire du Sud allemand à l’exclusion de l’Autriche.

Bismarck abattait son jeu sur la table et l’Empereur n’était plus autorisé à prétendre que le ministre prussien restait dans les nuages des généralités insaisissables. Goltz pouvait donc nous dire : « Maintenant que vous savez ce que nous voulons et où nous allons, communiquez-nous vos intentions. Nous combattrez-vous ou nous laisserez-vous faire, et, si vous nous laissez faire, sera-ce gratis ou moyennant un prix, et dans ce dernier cas, quel sera ce prix ? »

L’Empereur ne blâma pas l’entreprise : il jugea excellent qu’on se donnât une ambition plus étendue que la petite question des Duchés. Il n’indiqua pas non plus le prix qu’il exigeait. Il observa en passant qu’en ouvrant une carte, on pouvait se