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physiques vont être en jeu et, dans une telle épreuve, il n’aura pour se soutenir que la fermeté de son cœur.

Certes, une nation de plusieurs millions d’âmes, ayant assez d’or pour se procurer des armes et de ressources pour se passer de l’extérieur, peut défier toutes les coalitions, si, bien exercée au tir, elle aime mieux combattre que de supporter le joug de l’étranger. Ce n’est pas le chiffre de la population qui fait une nation puissante, mais bien sa résolution de supporter sans jamais faiblir toutes les charges du service militaire personnel.

Fréquemment, on entend soutenir que l’accroissement de la natalité est le facteur essentiel de l’augmentation de la puissance. Ce n’est pas toujours vrai. Il y a cinquante ans, la population de l’Angleterre était de 27 millions d’habitans. Sa production territoriale pouvait à peine suffire à sa nourriture. Aujourd’hui, avec 41 millions, elle est tributaire de l’extérieur, dans la proportion de 42 pour 100 de ses besoins immédiats. Pour vivre, il lui faut les mers libres et un commerce qui lui procure les ressources indispensables à ses achats ; d’où la nécessité de l’extension quand même, des marchés nouveaux à conquérir, par la guerre au besoin. Elle ne peut pas s’arrêter. Est-elle beaucoup plus puissante qu’autrefois ?

Ce qui se passe dans le Sud de l’Afrique ne tend pas à le prouver. L’esprit, enclin à se fixer sur les rapports des faits entre eux par la comparaison des nombres, voit une force de 240 000 soldats anglais en face de 12 000 Boers. Pour être juste, il faut ajouter à ces 240 000 hommes une force au moins égale d’employés, de serviteurs, de Cafres, d’Indiens, qui libèrent les troupes de tous les services accessoires nécessaires à leur entretien. Il faut ajouter encore une flotte considérable, qui transporte des produits achetés dans le monde entier pour subvenir aux nécessités de la guerre.

Et cependant ces forces disproportionnées se font équilibre.

Comme tous les pays très riches, l’Angleterre croit encore qu’avec de l’or une nation peut se procurer l’armée dont elle a besoin. Ce n’est exact que dans une limite restreinte et seulement pour des troupes qui ne seront pas soumises à des épreuves trop prolongées, car l’esprit de sacrifice est une vertu qui ne s’achète pas.

En ce moment, où les questions de service obligatoire sont agitées à nouveau, il est curieux de rappeler un passage du dis-