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décision du combat doit être cherchée dans la combinaison des feux de front et d’écharpe. L’enveloppement à grande distance, suivi d’une action concentrique, réalise souvent cette condition par le fait de la forme de la manœuvre. Toutefois, cette manœuvre peut ne pas suffire pour chasser l’adversaire, surtout s’il porte des forces au-devant de celles qui le débordent. L’assaillant est alors ramené à chercher la décision dans le combat de front.

Dans ce combat, la supériorité numérique n’est plus le facteur décisif. Il réside essentiellement dans les marches d’approche, protégées par des feux combinés d’artillerie et de mousqueterie et soigneusement défilées. Alors, quand la zone des feux rapprochés est atteinte, la valeur individuelle du combattant, dont l’initiative et le courage s’exercent librement et sans contrôle possible, devient la condition du succès.

Il faut toutefois remarquer que, même dans ce cas, une attaque brusquée peut amener un échec. Il ne suffit pas que des troupes nombreuses et braves aient pu s’approcher à courte distance (à moins de 200 mètres par exemple) pour qu’elles puissent réussir dans un assaut. Le récit d’un officier de l’armée allemande, présent dans les rangs des Boers au combat de Thabanchu, le fait ressortir. Ce récit a été reproduit par le Militär Wochenblatt : « La cavalerie anglaise était venue presque sur nos derrières. L’artillerie canonnait notre flanc droit. Nous avions dû occuper plusieurs kopjes, contre l’attaque de flanc imminente de l’infanterie. Sur celui où j’étais, se trouvaient environ 30 fusils, à trois pas, cinq pas et davantage, derrière des pierres épaisses. Sous les shrapnels, nous pouvions à peine lever la tête. Avec cet appui, l’infanterie anglaise s’était approchée d’un buisson d’épines, à 200 mètres environ d’où partait un feu incessant.

« A diverses reprises, des petites fractions avaient cherché à s’élancer, mais avaient toujours été forcées de se recoucher.

« A la fin, la ligne entière, 300 à 400 hommes, se prépara à l’assaut. On entendit nettement la voix des chefs ordonnant de cesser le feu, le commandement de fix-bayonets et le cri de God save the Queen signal de l’assaut. Alors tout surgit.

« En marchant sur nous, ils me faisaient l’effet d’une épaisse ligne gris-jaune, presque coude à coude, lancée à la course avec deux ou trois hommes d’épaisseur, tout comme chez nous dans