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lons de queue laissaient prendre une avance de 2 000 mètres environ et formaient réserve hors de portée de l’ennemi.

« Dès que les bataillons entraient dans la zone d’action des canons de la défense, vers 4 000 ou 3 000 mètres, les premiers projectiles venaient s’abattre entre les lignes des compagnies. Leur bruit, perçu plusieurs secondes avant la chute, faisait détourner la tête aux soldats, par un mouvement de curiosité plutôt que de crainte. Beaucoup n’éclataient pas et, lorsqu’un éclatement se produisait, la formation linéaire des troupes atténuait les effets.

« Lorsque la première ligne avait ainsi gagné un millier de mètres, les batteries divisionnaires arrivaient aux allures vives, se plaçaient à hauteur des bataillons, soit sur les ailes, soit dans les intervalles, et ouvraient le feu. La plupart du temps, on pouvait se demander sur quel but. Car rien n’était visible du côté de l’ennemi. Le tir des batteries marquait un arrêt dans le mouvement de la première ligne. Instinctivement, l’infanterie attendait l’effet du tir de l’artillerie. Sur un ordre venu de l’arrière, la marche était reprise. C’est alors que se produisaient les premières pertes dues au feu de la mousqueterie. On était vers 2 000 mètres. Les blessés pouvaient encore être recueillis et transportés. Les officiers montés pouvaient s’approcher des troupes, les lignes pouvaient, après l’arrêt, reprendre leur mouvement, sans provoquer un redoublement du feu ennemi.

« Vers 1 500 mètres, l’attaque commençait le feu. Le tir s’exécutait individuellement dans la position du tireur couché, en utilisant le mécanisme à répétition. Pour faire moins de mouvemens, le tireur s’appliquait à charger en restant en joue. L’ouverture du feu marquait un ralentissement dans les progrès de l’attaque. Dès que la marche était reprise, tout devenait un prétexte pour s’arrêter de nouveau ou reprendre le feu : des hommes ou des officiers atteints, un abri favorable, un arrêt dans les compagnies voisines, etc.

« Dans les bataillons, le besoin de prendre part au tir et de ne pas continuer à subir des pertes sans essayer d’en infliger aussi amenait sur la ligne les compagnies de l’arrière. Ainsi se produisait, sans ordres spéciaux, le déploiement des colonnes. L’arrivée d’une nouvelle compagnie ne déterminait pas de poussée en avant, car les nouveaux venus, pressés de s’abriter et de tirer, s’arrêtaient aux obstacles qui retenaient aussi la première ligne.