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-versant au galop son champ de tir, au lieu de s’avancer devant lui. Le même tireur voit ainsi des objectifs fugitifs se succéder à des distances et dans des directions variables, d’où complication du réglage de son tir. Chaque apparition du but est immédiatement suivie de son écoulement soit à droite, soit à gauche, puis de sa disparition. Le tireur a l’illusion que l’objectif s’éloigne.

« Cette façon de progresser n’était consacrée par aucun texte de règlement. Elle s’est improvisée par suite de la nécessité d’une tactique nouvelle. Ce cheminement en lacets permettait d’utiliser la vitesse des troupes montées, de faire de tous les accidens du sol des points d’arrêt et de rassemblement, et de laisser de l’indépendance de mouvement à de très faibles unités.

« Lorsque, en opérant ainsi, l’attaque enveloppante était arrivée à se loger sur les flancs de l’ennemi, les grosses unités se reconstituaient par l’arrivée successive de leurs fractions, ainsi que des batteries à cheval et des sections volantes de mitrailleuses.

« Les troupes montées mettaient pied à terre et procédaient alors au déploiement ; mais, en général, la journée touchait à sa fin. C’était pour les Boers, dont la ligne de défense se trouvait prise à revers, le commencement de la retraite ; le mouvement commencé par quelques cavaliers qui se portaient à la défense du convoi gagnait de proche en proche et devenait général dès que la nuit était arrivée.

« La poursuite se bornait à quelques obus lancés sur les convois. Pendant ce temps, l’attaque de front avait réglé ses progrès sur le recul des défenseurs, au lieu de précipiter leur retraite par une offensive décidée.

« Cette absence de poursuite, qui s’est déjà fait remarquer dans les dernières guerres, a été très caractéristique, aussi bien de la part des Anglais que de la part des Boers, surtout dans la première année de la guerre.

« Lorsque les Anglais se retirèrent après les échecs sanglans de Maggersfontein, Colenso, Spion-Kop, etc, les Boers demeurèrent dans leurs tranchées, sans essayer de transformer la retraite en désastre.

« Il en fut de même du côté anglais, notamment à Poplar-Crove, où le général French, qui avait débordé le flanc gauche ennemi, aurait pu s’emparer du président Krüger, s’il avait poussé plus vigoureusement vers la ligne de retraite.