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troupes anglaises ne sont capables d’efforts que si elles sont bien et copieusement nourries. Les remarquables opérations de lord Roberts ont donné la preuve que cette appréciation n’est pas justifiée. Commencées le 8 février 1900, elles ont amené, en quelques semaines, grâce à la résistance des troupes aux souffrances de la faim et de la fatigue, la levée des sièges de Kimberley (15 février) et de Ladysmith (1er mars), la reddition du général Kronje (27 février), des capitales Bloemfontein (13 mars), Johannesburg (31 mai), Pretoria (6 juin), ainsi que l’occupation du réseau ferré des deux Républiques. Ces opérations se sont déroulées sur un parcours de plus de 600 kilomètres, dans un pays dénué de ressources. Aussi les privations ont-elles été grandes. À peine entrée dans l’Orange, l’armée a été mise à demi-ration. Le 16 février 1900, à Watervaal Drift, au début des mouvemens, les Boers avaient enlevé un convoi de 200 voitures portant quatre jours de vivres. Cet événement était grave. Il ne restait à ce moment que deux jours de vivres sur les hommes et sur les voitures régimentaires. Le moindre arrêt permettait au général Kronje d’échapper. Or, l’armée s’avançait en pays désert, n’ayant plus de chemin de fer à sa portée immédiate. Malgré cette situation critique, lord Roberts n’arrêta pas son mouvement. Il se contenta de prescrire que les rations seraient dédoublées. Les 6e et 9e divisions, qui combattirent à Paardeberg le 18 février, consommèrent ce soir-là leur dernière demi-ration. La suite n’a-t-elle pas prouvé que le maréchal avait eu raison d’avoir pleine confiance dans l’énergie de ses troupes ?

Souvent ces privations durèrent longtemps. Pendant la marche sur Bloemfontein, le taux de la ration, réglé d’après les nécessités du mouvement, n’atteignit jamais les fixations réglementaires ; quelquefois même, il fut au-dessous de la moitié. Cependant, jamais aucune plainte ne s’éleva. Les soldats trouvèrent dans leur moral les réserves d’énergie nécessaires pour traverser cette situation critique.

Les officiers, vivant avec leurs hommes, ayant, dès le début, partagé avec eux les ressources de leurs mess, ont donné l’exemple, et ils ont trouvé chez eux le dévouement attendu.

Somme toute, les troupes du début de la campagne ont toujours donné ce que leurs chefs ont demandé. Elles se sont montrées endurantes, énergiques et braves, et si, dans bien des affaires, elles n’ont pas été plus heureuses, il faut en chercher la cause