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et puissant était une terre, depuis lors effondrée, qui unissait l’île de Madère à la côte du Maroc.

Il nous faut maintenant revenir en arrière et nous demander comment s’est opéré ce démembrement de la grande Méditerranée primitive en ces bassins plus petits, tels que la mer des Antilles, que Suess appelle la Méditerranée Américaine, la Méditerranée occidentale, le golfe Persique, qui sont, en quelque sorte, la monnaie actuelle de la mer ancienne. A quoi est dû cet isolement ? Comment s’est-il opéré ?

La réponse est évidente. Il a eu pour cause des mouvemens orogéniques. Et, ce qu’il y a de remarquable c’est que ces mouvemens aient été à peu près contemporains. La saillie de certaines parties de la surface, l’affaissement de certaines autres ; voilà les causes directes du phénomène. Tandis que surgissait dans l’Europe méridionale tout l’encadrement curviligne de la Méditerranée, c’est-à-dire l’Apennin, la chaîne du nord de l’Afrique, et la Cordillère d’Andalousie, effondré vers l’intérieur et parsemé de volcans sur ce bord, — dans la région américaine s’élevait au même moment la chaîne toute semblable des Antilles, dont les sommets seuls dépassent le niveau des eaux. La solidarité de ces formations montagneuses entraîne la solidarité des accidens qui en affectent la base d’implantation, éruptions volcaniques et tremblemens de terre. A chaque reprise du travail orogénique, la base frémit, et il se produit les fissures qui conduisent la lave dans le soupirail des cratères. S’il y a donc des éruptions qui sont de simples accidens locaux ; s’il y a des secousses sismiques isolées qui, elles aussi, correspondent à des effondremens ou à des explosions très limitées, ce n’en est pas le plus grand nombre. Ce qui domine ces cataclysmes, c’est le principe entrevu par Élie de Beaumont, mais formulé et mis en lumière par l’un des maîtres, et peut-être le plus autorisé, de la science géologique de notre temps, le professeur E. Suess, de Vienne. « Les manifestations volcaniques sont les petits retentissemens externes d’un grand phénomène profond. »

Quel est ce phénomène qui s’accomplit dans les profondeurs, et auquel se rattache la fonction volcanique ? C’est, comme on vient de le voir, le travail orogénique. Le volcan en est la conséquence : il en est le signe ; il en est quelquefois aussi, dans une certaine mesure, l’artisan.

Quant aux causes et à la véritable nature du travail de la formation des montagnes, c’est le problème fondamental de la géologie de le découvrir. Ce n’est pas d’une façon incidente que l’on doit aborder une si vaste question. Contentons-nous de dire que ni les volcans,