Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 9.djvu/707

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Lapparent. Les agens les plus ordinaires et les causes les plus insignifiantes devenaient capables des plus grands effets. La répétition prolongée des actions en compensait la faiblesse. Gutta cavat lapidem. Avec le temps, rien n’est impossible à la goutte d’eau ; il ne faut que du temps au madrépore pour édifier un continent.

Aujourd’hui, l’opinion régnante en géologie paraît se tenir à égale distance de ces doctrines extrêmes. Les notions lentes et les actions brusques ont leur place dans l’économie de la nature, et, parmi ces dernières, il y en a deux qui sont incontestables : ce sont les tremblemens de terre et les éruptions volcaniques.

Ces manifestations puissantes du travail des forces souterraines restent quelquefois tout à fait localisées. Mais, le plus souvent, il n’en est pas ainsi. A la fin du XVIIIe siècle, le minéralogiste saxon Werner, l’un des fondateurs de la science géologique, — le créateur, tout au moins, de sa nomenclature, — regardait les éruptions volcaniques comme des phénomènes accidentels, sans importance, sans signification et sans généralité. Cela n’était vrai que pour la région limitée sur laquelle avaient porté ses études. Les voyages de Breslak en Hongrie et de Humboldt dans les régions équatoriales, bientôt suivis des observations de Boussingault, d’Abich, de Bunsen, de Ch. Sainte-Claire Deville et de Fouqué, modifièrent cette manière de voir. — Les volcans sont apparus comme des appareils très nombreux, dispersés sur toutes les latitudes, et dont le rôle, considérable dans le passé, l’est encore à l’époque actuelle. On en compte plus de 400 qui sont éteints ; il y en a, l’après M. Fuchs, 323 qui sont en action, — ou qui, du moins, ont donné lieu à des éruptions depuis moins de trois cents ans. On les trouve échelonnés depuis le pôle Nord jusqu’au pôle Sud, de la Terre de François-Joseph, dans les régions arctiques, jusqu’au voisinage du pôle antarctique où Ross a vu l’ « Erebus » et le « Terror » vomir leurs laves enflammées au milieu d’un cirque de glace. — A l’époque actuelle, les volcans actifs sont presque tous dans des îles ou sur le littoral de la mer. Cette distribution très remarquable n’est pas sans signification ; mais on l’a outrée. On a été conduit à admettre que l’eau de la mer jouait un rôle capital dans les éruptions volcaniques : et cette opinion, si universellement répandue, est probablement inexacte.

Nous venons de dire que, contrairement aux vues étroites de Werner, les volcans ne devaient pas être considérés comme des appareils isolés, sans lien les uns avec les autres. Cela est vrai, à la fois, de leur situation et de leur fonctionnement.