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une autre question. Mais, depuis Auguste Comte, ce qui n’en fait plus une, c’est que l’esprit humain, s’il atteint l’absolu, n’y saurait arriver par le chemin de la science, et je ne considère pas la démonstration perpétuelle que le fondateur du Positivisme en a donnée comme le moindre service qu’il ait rendu, ni le moindre hommage, si je l’ose dire, à des Dieux qui n’étaient pas les siens.

Il y a déjà, comme on le voit, beaucoup à prendre dans la partie critique du positivisme. L’erreur fondamentale du XVIIIe siècle et de la « philosophie révolutionnaire » mise en pleine lumière et condamnée par ses conséquences ; le « subjectivisme » ramené au scepticisme, dont il n’est, à vrai dire, que le masque, et démontré comme tel non moins dangereux à la société qu’à la science ; la science renfermée dans ses justes limites et repoussée d’un domaine qui ne saurait être le sien ; — ce ne sont pas là choses indifférentes ; et le positivisme ne consistât-il qu’en ces trois points, il contiendrait déjà plus de vérité qu’on n’en trouve dans la philosophie tout entière de Victor Cousin ou de Jules Simon. Mais, de même qu’avant lui l’illustre auteur de la Critique de la raison pure, et conformément à la tactique de tous ceux qui ne croient pas que la critique soit en elle-même un but, mais seulement un moyen, Auguste Comte ne s’est pas contenté de détruire pour le plaisir enfantin et sauvage de détruire ; il a prétendu remplacer ce qu’il détruisait. Son œuvre est une construction. Il s’agit de voir quelles parties en sont actuellement subsistantes, et, auparavant, quelle méthode il y a employée.


II

Le premier caractère en est d’être « objective. » J’ai rappelé plus haut la grande règle cartésienne, de « ne recevoir aucune chose pour vraie qu’on ne la connaisse évidemment être telle ; » et, indépendamment de la question très obscure de savoir ce qui est évident, il l’est sans doute que cette formule est la formule même du subjectivisme. Je ne reçois pour vrai que ce que je connais, c’est-à-dire ce que je juge être tel, moi qui connais ; et il m’appartient donc, premièrement de le « juger, » et secondement de le « recevoir, » ce qui fait, pour ainsi parler, deux opérations souveraines : entendez deux opérations dont il