Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 9.djvu/671

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lointaines, ne peut être transporté qu’avec prudence dans le recueillement d’un portrait. Que l’on considère de quel dessin ferme et de quelle touche vigoureuse est réalisé le bras dans le portrait de la Princesse Joachim Murat, par Mlle Juana Romani. Ce morceau de peinture, le meilleur de tout le tableau, n’est certes pas d’un faire mesquin, ni d’un pignochage laborieux. Mais il existe et ne se borne pas à un frottis suggestif, bon pour un plafond.

Ainsi ce genre, à quelque point de vue qu’on se place : mise en cadre, composition, attitude, expression, éclairage, et même facture, comporte-t-il une mesure, une clarté d’intention, dont l’artiste ne peut se départir, sous peine de faire tout autre chose qu’un portrait. C’est pourquoi les artistes de Paris, français ou étrangers formés à Paris, y sont les maîtres. Ces qualités sont précisément les qualités françaises ou que l’on acquiert en France, et il suffit de jeter un coup d’œil autour de nous pour nous en apercevoir.

De M. Hébert, tout semble devoir être dit depuis soixante ans qu’il y a autour de lui des critiques, et qu’il peint. Mais quoi qu’on ait dit, le succès prolongé ou plutôt renaissant qui accueille chacune de ses gracieuses figures, montre assez si l’enthousiasme qu’il souleva jadis, parmi des générations disparues, tenait à une mode éphémère ou à un véritable apport de beauté. De ceux qui ont applaudi la Malaria dès son apparition, combien en reste-t-il parmi les foules qui traversent ces jours-ci le Salon ? Et combien, parmi les modèles qui se pressent dans son atelier, ont-elles vu, dans la petite église de l’humble village de la Tronche, la Vierge de la Délivrance ? Le succès de M. Hébert ne tient donc pas au souvenir des admirations passées, ni aux derniers échos d’une clameur dont les voix, tour à tour, s’éteignent. Ce sont des voix jeunes et des enthousiasmes spontanés. La mode a tant de fois changé ! Il en a subi toutes les épreuves : il y a résisté, il n’a plus rien à en craindre. Il renouvelle les prodiges de la vieillesse de Mignard, de De Troy et de Mme Vigée-Lebrun. Mais, en un certain sens, il les dépasse et les précieuses matières de son Art ne paraissent pas, malgré les années, s’appauvrir.

À un tel degré de puissance, la beauté d’une œuvre est incontestable, quelles que soient les théories, — ou bien les contestations sont puériles. C’est ce qu’on a pu observer avec M. Hébert : c’est ce qu’on peut voir aussi chez M. Bonnat, chez M. Henner, chez