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LES PORTRAITS DE FEMMES
AUX
SALONS DE 1902


I

Il n’est de bons portraitistes de femmes qu’à Paris. Qu’un vieux maréchal glabre ou qu’un pseudo-prêtre ridé veuillent laisser à leurs proches ou à leurs troupes leur masque d’entêtement et d’orgueil, ils trouvent leur peintre, sans sortir de leur pays, — à Munich. Qu’un explorateur en khaki ou un savant dans son laboratoire, ou un pair rengorgé dans sa robe fourrée, soient en quête d’un interprète de leur audace ou de leur suffisance, ils n’ont pas besoin de traverser le détroit, et M. Herkomer, ou M. Ouless, ou M. Orchardson pourvoiront à tout, avec un sérieux et une ironie qu’aucun artiste au monde aussi bien ne doserait.

De même, un poète suédois ou un philosophe, debout et tête nue parmi les montagnes et les forêts de son pays, n’aura pas à chercher bien loin son peintre. M. Kroyer se promène dans les mêmes bois et son œil s’illumine au même jaune rayon. Chairs Masques, os malaire bossuant la peau, proéminence de l’arcade orbitaire, touffes de poils blancs sur les yeux, rides et plisse-mens d’une peau vieille qui se détend et se vide de son contenu, ou bien carnations sanguines, épidermes tendus et rutilans, mains nerveuses pétrissant le feutre, ou serrant le stick, machine musculaire prête à fonctionner, dans sa raideur et sa brutalité,