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On a retrouvé, — presque intacte, — la cunette de l’antique aqueduc gallo-romain de Sens, dans la vallée de la Vanne, entre la source Saint-Philibert et la ville, sur une longueur de quatorze kilomètres. Cet ouvrage dérivait l’eau de plusieurs sources. Quelques-unes sont actuellement perdues ou taries ; mais trois des sources autrefois captées par les Romains, les sources de Noë, du Miroir-de-Theil et de Saint-Philibert, ont précisément été dérivées par Belgrand pour la Ville de Paris, et l’on peut dire que cette partie de son œuvre est symbolique.

Il est évident, en effet, que la pensée de dériver vers Paris les sources des régions où l’eau jaillit, à des altitudes suffisantes pour l’amener, dans la capitale même ou aux environs immédiats, dans des réservoirs placés aux points hauts, afin de la conduire et de la distribuer par le seul moyen de la gravitation, prit corps dans l’esprit de Belgrand à la suite d’une étude approfondie des travaux réalisés pour alimenter Rome d’eau potable. D’ailleurs, ces belles recherches, il les a retracées dans son ouvrage si curieux : Les travaux souterrains de Paris, et l’influence des idées romaines y est fortement marquée.

Sa conviction ainsi formée, il réussit à la faire partager au baron Haussmann, appelé par Napoléon III à la préfecture de la Seine pour moderniser Paris, et qui, comme préfet de l’Yonne, sut, dès ses débuts, apprécier Belgrand. Haussmann avait été particulièrement séduit par les travaux hardis exécutés très économiquement par Belgrand pour dériver à Avallon l’eau d’une source assez éloignée, lui faisant franchir en siphon une vallée profonde.

Sur la demande du baron Haussmann, Belgrand publia une étude, intitulée : Recherches statistiques sur les sources du bassin de la Seine qu’il est possible de conduire à Paris, qui servit de base aux propositions soumises à l’Empereur, au Conseil municipal et au Corps législatif. On a, tout récemment, critiqué le choix de quelques-unes de ces sources. Peut-être les admirables découvertes de Pasteur et les travaux de ses disciples ont-ils rendu nos hygiénistes par trop difficiles dans le choix des eaux d’alimentation ? L’eau chimiquement pure existe-t-elle dans les entrailles de la terre ?

Les Romains appréciaient la bonne qualité de l’eau par les moyens pratiques qu’on trouvait encore suffisans à l’époque de Belgrand. Ils estimaient celle qui cuisait les légumes sans les