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expansive du génie allemand, il répugne à se détacher de la violence de ses origines, attendant de la force seule le prestige et les moyens d’action nécessaires à son développement. Son empereur est un souverain militaire, gouvernant un état purement militaire ; les tendances impériales se manifestent par des entrevues, des toasts solennels, des revues, l’octroi de régimens à des princes étrangers, si bien que le moindre incident de la politique générale se présente revêtu de l’appareil militaire. Dans son domaine propre, c’est-à-dire dans l’Empire allemand, le germanisme ne veut point compter sur les effets d’une civilisation supérieure, mais sur le simple progrès d’une germanisation impitoyable. En dehors de l’Empire, dans les territoires qu’il estime acquis à sa sphère d’influence, il substitue à la force brutale l’action d’une diplomatie autoritaire, chargée d’appuyer, au besoin par la menace, le développement régulier de la pénétration germanique, L’immigration allemande, qu’elle soit ancienne ou récente, a partout entrepris un début de colonisation, qui s’introduit doucement dans les couches moyennes et inférieures de la population indigène ; elle pénètre dans les corps de métier, la banque, le commerce, l’industrie, et même l’agriculture ; par l’éducation des enfans, elle entre dans les familles ; elle affecte un tel empressement à se dénationaliser qu’elle n’effraie point les susceptibilités nationales et son allure est si humble que toute race se croirait impériale au regard de la race allemande. C’est une démocratie besogneuse, qui se fait au loin l’agent du germanisme et, pour rehausser ces artisans modestes de la décomposition des nationalités et des Etats, l’Empire allemand se borne à multiplier les missions de ses officiers et de ses princes. Le pangermanisme est farouchement national et porte, de préférence, l’empreinte luthérienne ; il prêche la croisade contre les autres races ; s’il a quelque indulgence pour les petits peuples, c’est à la condition de les voir s’appuyer sur la puissance et la culture allemandes.

Mais la différence fondamentale entre l’impérialisme et le pangermanisme, celle qui ne peut manquer d’influer sur leur progrès réciproque, c’est le fait que l’Angleterre est insulaire et l’Allemagne continentale. En possession du contrôle de la mer, l’empire britannique est, pour le moment, insaisissable et la liberté de ses mouvemens reste absolue. L’Allemagne est, sur trois frontières, dépourvues de défenses naturelles sérieuses, limitrophe