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ressentoit pour ce prince. » Il semble, d’après le Mercure, que la Duchesse de Bourgogne ait pleuré. Quant à lui, au contraire, « il seroit difficile d’exprimer la joye que son départ faisoit paroître sur son visage. Il y avoit longtemps qu’il aspiroit après un pareil voyage. Aussy peut-on dire qu’il est party en volant où il estoit appelé par la gloire[1]. »

A l’une des premières étapes de cette route qui ne devait malheureusement pas le conduire à la gloire, une grande joie attendait le Duc de Bourgogne. Cambrai était sur son chemin direct. En 1702, il lui avait été permis de s’y arrêter, on se souvient sous quelles conditions[2]. Il est probable, bien que nous ne le sachions pas positivement, que même permission lui fut accordée et mêmes conditions imposées. Cela ressort de la lettre que le Duc de Bourgogne écrivait à Fénelon, de Senlis où il avait couché, après s’être arrêté à Chantilly pour goûter à une collation que M. le Duc lui avait offerte dans le parc. « Je suis ravi, mon cher archevêque, que la campagne que je vais faire en Flandre me donne lieu de vous embrasser et de vous renouveler moi-même les assurances de la tendre amitié que je conserverai pour vous toute ma vie. S’il m’avoit été possible, je me serois fait un plaisir d’aller coucher chez vous ; mais vous savez qu’il y a des raisons qui m’obligent à garder des mesures, et je crois que vous ne vous en formaliserez point. Je serai demain à Cambrai sur les neuf heures ; j’y mangerai un morceau à la poste, et je monterai ensuite à cheval pour me rendre à Valenciennes. J’espère vous y voir, et vous y entretenir sur diverses choses. Si je ne vous donne pas souvent de mes nouvelles, vous croyez bien que ce n’est pas par manque d’amitié et de reconnaissance : elle est assurément telle qu’elle doit être[3]. »

L’entrevue annoncée eut lieu effectivement dans une auberge dont les érudits du pays ont su découvrir le nom et l’emplacement. Elle s’appelait l’auberge de Dunkerque, et était située vis-à-vis de l’église Saint-Gery[4]. Le Duc de Bourgogne s’y arrêta pour dîner, c’est-à-dire vers midi, et il y trouva

  1. Mercure de Mars. 1708, p. 395. Bellerive, dans son récit, prête à Louis XIV et au Duc de Bourgogne deux pompeux discours qui sont évidemment de son invention.
  2. Voyez la Revue du 1er juin 1901.
  3. Œuvres de Fénelon, édition de Saint-Sulpice, t. VII, p. 264.
  4. Dictionnaire historique de la ville de Dunkerque, p. 124. Cette auberge n’existe plus aujourd’hui.