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n’est pas encore aussi selbstbewusst ; peut-être ne se dénationalise-t-il plus à tout venant avec le même empressement qu’autrefois ; mais il n’éprouve du moins aucune peine à masquer sa nationalité sous les naturalisations les moins flatteuses. Il en résulte que, si l’impérialisme est une idée réelle, produit du développement de la race britannique, le pangermanisme reste une création artificielle, un idéal fabriqué par des penseurs patriotes ; et, dans la pratique, la même orgueilleuse doctrine se trouve maniée, en Angleterre, avec une assurance seigneuriale, en Allemagne, avec une incertitude de parvenus.

Issus de principes si identiques, mais doués de facultés si inégales, le pangermanisme et l’impérialisme ne pouvaient user des mêmes procédés. Assurément, la plupart des peuples absorbés par l’Empire britannique se placent dans l’échelle de l’humanité à un degré beaucoup moindre que ceux entrepris par le germanisme : mais les races tendant à la dignité impériale n’ont plus l’esprit assez libre pour se préoccuper des nuances et, à leurs yeux, la « demi-Asie » est bien près de se confondre avec l’Asie elle-même. Si les procédés diffèrent chez les Allemands et les Anglais, il faut en chercher la cause, moins dans le caractère des races dominées, que dans le caractère des dominateurs, ainsi que dans les circonstances déterminant leur liberté d’action réciproque.

L’impérialisme ne connaît point de système en dehors de la superposition immédiate de la race impériale à la race assujettie. L’Anglais s’installe de prime abord au cœur d’un gouvernement, pour en contrôler l’exercice, sans se piquer de colonisation ni même de pénétration aucune. Désireux de s’imposer par la puissance éprouvée du génie national, il lui suffit d’essaimer une aristocratie peu nombreuse. Comme de juste, la force constitue l’instrument de la domination britannique, mais elle évite de lui servir de base ; l’autorité se manifeste par l’expression brève d’une volonté précise et les indications qui la précèdent sont fournies par les polémiques de la presse jointes aux discussions du Parlement. Jusqu’à une récente époque, l’impérialisme se targuait d’une allure cosmopolite ; il ménageait également les confessions et les nationalités, qu’il englobait toutes dans un égal dédain.

On a vu, au contraire, que le pangermanisme insistait sur le privilège de la force ; moins confiant sans doute dans la puissance