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rejeter les Anglais dans les défilés par où ils étaient venus. A la Marsaille, il commandait la gauche sous Catinat. En 1697, il avait pris Barcelone. A Cassano, les troupes de son frère ayant été surprises, il était accouru se mettre à leur tête, et, au témoignage de Saint-Hilaire, « les fit charger avec tant de valeur qu’ils délirent l’ennemi en cette partie. Il eut son cheval tué sous lui, et, un soldat ennemi l’ayant couché en joue, il ne fut sauvé que par son capitaine des gardes, Cotteron, qui se jeta au devant du mousqueton et reçut le coup au travers du corps[1]. » Son exemple était contagieux et sa valeur communicative. A Luzzara, il était au plus épais de la mêlée, lorsque, apercevant son secrétaire Campistron, l’auteur dramatique, il lui dit : « Campistron, que faites-vous ici ? » et Campistron de répondre : « Monseigneur voulez-vous vous en aller ? » Dans toutes ces affaires, Vendôme affectait de porter un panache blanc, comme le héros d’Ivry. La comparaison s’imposait, et Mme  de Maintenon, qui ne l’aimait pas, ne pouvait cependant se retenir d’écrire à la princesse des Ursins, au lendemain de Cassano : « Je trouve que M. de Saint-Fremont (qui avait envoyé un récit détaillé de la bataille) a raison de croire qu’il voyait Henri IV ralliant ses troupes, parlant comme il faisait aux soldats, et leur montrant l’exemple de la valeur qu’ils suivaient si bien[2]. »

Dans les temps malheureux, les généraux qui n’ont jamais subi de revers deviennent rapidement populaires, et la foule leur prête volontiers plus de génie qu’ils n’en ont. Tel était le cas pour Vendôme, en qui le prince Eugène avait trouvé un digne adversaire. En le désignant l’année précédente pour prendre le commandement de l’armée de Flandre, Louis XIV n’avait pas fait autre chose qu’obéir à la voix populaire et suivre le conseil que lui donnait, au milieu de beaucoup d’autres avis ironiques, une chanson qui se fredonnait à voix basse :

Voyez combien nostre illustre Vendosme
Vous a déjà remporté de combats,
Si vous voulez sauver vostre royaume
Vostre sang seul peut marcher sur vos pas[3].

Les soldats, à qui il savait parler, l’adoraient, et peut-être le

  1. Saint-Hilaire, Mémoires, t. III, p. 194.
  2. Lettres de Mme  de Maintenon et de la princesse des Ursins, t. III, p. 219, 11 septembre 1705.
  3. Bibliothèque nationale, le Chansonnier français, t. XI. D. 398.