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longtemps sans le redevenir, et qu’alors on la conservera plus soigneusement[1] »

Assurer la succession en ligne directe était alors, pour les princesses, une fonction publique, et, coûte que coûte, il fallait qu’elles s’en acquittassent. La Duchesse de Bourgogne y mettait peu d’empressement ; Mme de Maintenon lui reprochait parfois de n’être pas raisonnable sur ce chapitre, mais la vieille dame en parlait bien à son aise.


II

Les événemens militaires qui marquèrent les derniers mois de l’année 1707 relevèrent un peu les courages. La brillante victoire d’Almanza, remportée par Berwick, semblait avoir raffermi le trône chancelant de Philippe V. Sur la frontière d’Italie, l’armée savoyarde était en plein recul. Villars continuait de couvrir avec succès la ligne du Rhin. En Flandre Vendôme avait contenu les ennemis, et, s’il n’avait point engagé d’action importante, on s’accordait à dire que c’était sur les ordres du Roi et pour ménager son armée en vue d’une action décisive l’année suivante. Les cœurs s’ouvraient donc de nouveau à l’espérance, et Saint-Simon a raison de dire : « L’année 1708 commença par les grâces, les l’êtes et les plaisirs, » sauf à ajouter mélancoliquement : « On ne verra que trop tôt qu’elle ne continua pas longtemps de même. » Il y eut à Versailles, le six janvier, de magnifiques Rois[2]. Louis XIV donna un grand festin dans l’antichambre de son petit appartement. « Il y eut quatre tables, deux de seize et deux de dix sept couverts, splendidement servies, et on coupa un gâteau à chaque table pour voir à qui appartiendrait la royauté de la fève. » Le Roi tenait la première table, où était la Duchesse de Bourgogne, le Duc de Bourgogne la troisième. « Le repas se passa avec bien de la gaieté, et on cria de bonne grâce toutes les fois que les Reines burent, principalement à la table du Duc de Berry[3]. » Il y eut bal ensuite jusqu’à trois heures et demie du matin, et ce bal fut suivi de plusieurs autres. On n’en compta pas moins de dix tant à Versailles qu’à Marly, sans parler des soupers donnés par Monseigneur à

  1. Archives d’Alcala. Communiquée par le H. Baudrillart.
  2. Saint-Simon, édition Boislisle, t. XV, p. 348.
  3. Sourches, t. XI, p. 3 et 7.