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socialisme, anarchisme — sont également affaiblissans et, partant condamnables. L’empire du monde — Weltherrschaft — doit appartenir au peuple qui, s’abstrayant de tout amour universel pour l’humanité, concentre ses efforts pour assurer, dans la lutte éternelle de l’histoire, la prédominance de sa race.

Après un tel exposé de leurs principes, il ne reste plus aux pangermanistes qu’à en dégager les conséquences naturelles quant au but futur de l’expansion allemande. Le XVIIIe siècle fut cosmopolite, le XIXe a été national. De grands États se sont d’abord constitués en vue d’assurer la puissance des races fortes et la domination des idées, par elles représentées. L’accroissement des communications a provoqué, à son tour, la fondation d’empires — Weltreiche, — qui se sont réservé, pour satisfaire aux besoins de leur production et de leur consommation propres, d’immenses domaines d’exploitation économique. Ainsi se forment en ce moment les empires russe et américain ; ainsi s’achève l’Empire britannique, qui, plus avancé ou plus ambitieux que les autres, affirme déjà sa prétention à l’hégémonie. Si l’Angleterre a pu atteindre une semblable prospérité, elle le doit à la sottise de l’Europe centrale et occidentale, qu’elle a incitées à trois siècles de luttes continentales ininterrompues, pour s’agrandir successivement des colonies françaises, hollandaises, espagnoles et portugaises. C’est à l’Allemagne qu’il appartient de constituer, entre la Russie et l’Angleterre, un nouvel empire apte à former le fléau de la balance entre les deux rivales.

Les victoires de Sadowa et de Sedan ont prouvé à l’univers que la race allemande entendait reprendre la place qui lui revenait dans le monde ; l’Allemagne est déjà devenue la principale rivale de l’Angleterre pour le commerce universel ; elle devra réaliser dans l’avenir l’idée napoléonienne du blocus continental.

Afin de constituer l’empire de ses rêves, le pangermanisme ne fait encore qu’une allusion timide à la réunion de « toute l’Allemagne ; » il sait que les arrangemens économiques ont efficacement préparé la formation du nouvel Empire allemand ; il se borne donc à préconiser, pour le moment, une union économique très étroite englobant, avec l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie, les États des Balkans, la Belgique, la Hollande, et, si possible, le Danemark et la Suède. L’Empire Ottoman deviendrait l’hinterland naturel d’une semblable union, en ouvrant