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saurait accepter en l’état présent. Il s’étendit sur la convention, en triomphateur, ne s’attachant ni à amoindrir ses résultats, ni à dissimuler ses espérances prochaines : elle n’est qu’un premier pas dans la voie qui conduira la Prusse, non seulement à l’annexion complète des Duchés, mais enfin à l’accomplissement de ses projets d’hégémonie ; il ne permettra pas que Kiel devienne un port fédéral. Il se plut à étaler sa tactique : il avait par calcul introduit des dispositions ambiguës sur les postes et les télégraphes ; il avait évité de faire décider lequel des deux co-contractans serait admis à exercer le droit de recruter et de former un corps d’année, de convoquer les États ; il s’était ménagé ainsi le moyen de soulever une nouvelle querelle et de compléter sa conquête, dès que les circonstances générales en fourniraient l’occasion. Provisoirement, il allait s’occuper de modifier le régime intérieur des Duchés : « par exemple, les habitans des villes étaient exemptés du service militaire et de l’impôt dont tout le poids retombait sur les campagnes ; il allait les y soumettre. Il gagnerait ainsi les sympathies du plus grand nombre et renverserait les derniers obstacles à l’annexion. » Il s’attacha surtout à nous bien faire savoir que sa confia, ri ce était entière : « Il ne redoutait ni les associations libérales, ni les attaques de la presse, ni l’opposition parlementaire, ni les mécontentemens apparens de l’opinion publique. Les forces de la Confédération sont purement négatives ; ce sont des zéros placés avant l’unité. » Les manœuvres des États secondaires ne l’inquiétaient pas davantage. Le temps est passé où ils avaient une politique vraiment personnelle et indépendante. « En dehors des représentations solennelles et vaines, qu’ils sont tenus de donner à Francfort, il n’y a dans leur attitude rien qui indique une opposition efficace et sérieuse à la Prusse. Les offenser publiquement le moins possible, leur épargner l’obligation de se mettre trop souvent en scène, à Francfort, tel est le moyen d’en avoir facilement raison ; (ils sont comme ces chiens qui, laissés en liberté, sont doux et inoffensifs : attachés à leur niché, près de la maison de leur maître et mis pour ainsi dire en faction officielle, ils aboient au contraire d’une manière furieuse[1]. »

La connaissance de l’existence officielle de la circulaire de Drouyn de Lhuys, qu’il acquit au lendemain de ses effusions, le

  1. Lefebvre de Béhaine à Drouyn du Lhuys (du 9 au 12 septembre 1865).