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conseilleraient les intérêts de la France, et nous serions naturellement amenés à nous décider d’après les nécessités de notre politique, en tenant compte des avantages que nous aurions en perspective. Nous pouvons donc attendre l’issue des négociations dans l’attitude que nous avons observée jusqu’ici. Le cabinet de Berlin connaît d’ailleurs les dispositions dont nous sommes animés envers lui, et nous avons la confiance qu’à cet égard, il n’a pas à se plaindre du gouvernement de l’Empereur. »

Cette réponse, autant et peut-être plus que les précédentes, était grosse de menaçantes surprises, de sous-entendus équivoques. Cependant, elle contenait une affirmation nette : « Nous resterons neutres tant que la guerre n’aura pour objet que le partage des territoires détachés de la monarchie danoise. » Toutefois, il n’y avait là qu’un engagement verbal. Bismarck désirait quelque chose de plus solide.

Goltz revint interroger et, cette fois, il demanda en termes formels une garantie écrite de la neutralité promise, suivant la maxime de Frédéric : obtenir des autres un écrit sans en donner soi-même. Drouyn de Lhuys ne donna pas décrit. Il fit observer que cette stipulation serait contraire à ce qu’il avait déjà déclaré, « car, si la question pendante entre la Prusse et l’Autriche venait à franchir le cercle où elle s’agite aujourd’hui, nos intérêts pourraient se trouver engagés, et nous ne saurions alors nous astreindre à demeurer neutres. D’ailleurs, si nous contractions cette obligation envers la Prusse, nous ne pourrions refuser à l’Autriche une garantie semblable, sans sortir des bornes de la neutralité. Or, un tel engagement bilatéral, incompatible avec les nécessités que peut imposer à la France la marche des événemens, ne serait pas assurément davantage dans les vues du cabinet de Berlin. »

« Goltz, dit Drouyn de Lhuys, parut frappé de la justesse de ces observations. » Oui, frappé, mais plus encore tourmenté. Pourquoi cette obstination à ne pas s’engager, à demeurer dans l’insaisissable, si l’on ne nourrissait pas d’arrière-pensée hostile ? Que veut donc l’Empereur ? Et Goltz ne réussissait pas à le pénétrer.

Cette incertitude sur la pensée de l’Empereur arrêta provisoirement Bismarck. Au moment même où il ne lui restait plus qu’à envoyer une déclaration de guerre à l’Autriche, il conclut avec elle à Gastein (14 août 1865) une convention par laquelle