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des juifs, et le plus grand nombre d’entre eux dut émigrer en Pologne. Ils y obtinrent un statut spécial ; l’état social du pays favorisa leur développement ; ils y conservèrent leurs habitudes et leur « jargon » germanique ; et c’est de cette forteresse improvisée que le judaïsme allemand finit par se répandre vers la Hongrie et la Russie, jusqu’à la Mer-Noire et au Danube.

Au XIVe siècle, après l’extinction des dynasties nationales en Bohême, en Pologne et en Hongrie, les divers princes allemands se mirent à prétendre à ces successions constamment ouvertes. Celle de la Bohême fut aussitôt réglée au profit du germanisme, et la première université allemande fut fondée à Prague par un prince de la maison de Luxembourg. En 1526, l’effet d’un heureux contrat de mariage donna aux Habsbourgs la Bohême et la Hongrie, si bien que l’influence allemande se mit à contrôler définitivement le gouvernement des deux Etats.

La pénétration germanique avait usé jusqu’alors de l’action religieuse, politique ou économique ; la Réforme lui procura sur les esprits une prise morale. Venue d’Allemagne, elle fut partout introduite par des Allemands ; fournissant d’autre part une base propice aux revendications nationales, elle trouva un accueil enthousiaste parmi les peuples que travaillait le germanisme ; grâce à elle, ce fut une influence allemande qui soutint, mais endigua toutes les révoltes ; elle présida au réveil des nationalités, à l’établissement d’imprimeries et d’écoles, aux premiers essais littéraires des diverses langues, se substituant à l’allemand et au latin ; elle eut même l’art d’étouffer, en Bohême, le mouvement hussite, qui avait soulevé les Tchèques contre les Allemands, et de fournir un terrain d’entente aux deux nations ennemies.

A son tour, la contre-réformation fit, elle aussi, œuvre germanique, car les Jésuites s’en prirent aux nationalités coupables, qui s’étaient abandonnées aux erreurs religieuses. Marie-Thérèse enserra ses États dans une administration allemande, appuyée par une force militaire également allemande. Joseph II prétendit même réaliser l’unification complète de la monarchie autrichienne, en y imposant l’emploi de la langue allemande. Enfin, quand la Pologne dut subir le même sort que la Bohême et la Hongrie, deux des copartageans furent des États allemands, qui entreprirent, chacun à leur manière, de germaniser leur part.

Au XIXe siècle, toute l’Europe centrale appartient au germanisme ; et les réactions nationales qui s’y produisent n’ont pu