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février 1865). Il n’y avait aucune différence, sauf un nom d’apparat, entre une telle suzeraineté et l’annexion ; le Sultan n’avait pas imposé aux hospodars des Principautés une telle sujétion : Mensdorff, le ministre des Affaires étrangères d’Autriche, se refusa à la prendre au sérieux. Augustenbourg, tout en témoignant son désir de concéder beaucoup, avait déclaré qu’on lui en demandait trop, et, le 31 mars, la Diète, soutenue cette fois par l’opinion révolutionnaire, qui lui était ordinairement hostile, adressait à la Prusse, sur la proposition de la Bavière, une espèce de sommation de donner à l’affaire un dénouement conforme aux droits de la Confédération (6 avril 1865), c’est-à-dire de reconnaître Augustenbourg.

« Comment le reconnaîtrais-je ? avait dit Bismarck. Il faudrait qu’il possédât des droits certains, et les siens sont loin de l’être. Ceux des Oldenbourg, derrière lesquels se dresse le fantôme de la Russie, me paraissent bien spécieux, et j’ai l’idée vague que la Prusse elle-même peut avoir des droits encore mieux établis. Je vais m’adresser aux Syndics de la Couronne pour qu’ils me renseignent. »

En effet les Syndics de la Couronne déclarèrent : « que le prince héréditaire d’Augustenbourg était dépourvu de tout droit, et que, en vertu du traité de Vienne, les droits incontestables du roi Christian avaient été transférés à la Prusse et à l’Autriche. » La Diète, l’Europe mises de côté, il restait à éliminer l’Autriche et à garder pour la Prusse seule ce qui avait été conquis de compagnie. Cette tâche était encore plus ardue que la première ; Bismarck s’y engage avec plus encore de résolution.

La situation intérieure de l’Autriche l’encourageait. Elle était des plus difficiles : le ministre d’Etat Schmerling déployait, pour soutenir son système parlementaire libéral, « tour à tour la grâce et la raideur, la bienveillance et la colère, la force et la faiblesse, l’ardeur et la patience », enfin, toutes les qualités d’une intelligence remarquable, et, néanmoins, il ne réussissait pas. Les Hongrois mécontens s’agitaient, les Slaves se tenaient à l’écart ; les Allemands murmuraient ; les finances étaient en désarroi. Un désaccord constant sur la politique extérieure existait entre les ministres ou plutôt entré Schmerling et François-Joseph : Mensdorff, son collègue aux Affaires étrangères, moins nerveux, plus calme que Bechberg, esprit juste et droit, d’une délicate