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aurait dû exposer son pays pour contraindre quelques Allemands à demeurer soumis au joug danois où pour conserver 25 ou 30 000 âmes de plus au Danemark dans le Sleswig ; enfin, pour y maintenir un roi dont les sentimens hostiles envers la France étaient notoires ! Si l’Empereur eût joué les destinées de son pays pour un tel motif, il eût mérité une éternelle réprobation. Et qu’on ne parle pas de droit à sauvegarder ! Le droit n’était pas du côté du Danemark. Il n’avait d’autre titre que sa faiblesse et le traité de Londres. Mais la faiblesse ne constitue pas un droit et ne dispense pas d’avoir raison ; et le traité de Londres, traité simoniaque, illégitime, nul parce qu’il avait disposé des Duchés sans leur consentement et consacré l’asservissement des Allemands des Duchés aux Danois, ne méritait pas qu’on le défendît d’aucune manière. D’ailleurs, toutes les puissances d’Europe, et l’Angleterre autant que les autres, avaient établi que le Danemark avait lui-même rompu le traité de Londres en n’en remplissant pas les obligations et en s’affranchissant de ses stipulations essentielles.

En réalité, on a démesurément grossi cette affaire du Danemark en la présentant comme la source d’où sont sortis tous nos maux. Il n’y a aucun lien nécessaire entre 1864 et 1870, et ce démantèlement légitime[1] d’un petit État dominateur n’a été qu’un accident sans conséquence dans le développement général des faits européens.


IV

Les professeurs et les politiques de la Diète, grands pourfendeurs au profit d’Augustenbourg, s’étaient imaginés béatement qu’imitant l’exemple désintéressé de Napoléon III en 1859, la Prusse et l’Autriche remettraient leur conquête entre les mains de l’Allemagne. Bismarck ne leur laissa pas leur illusion ; il notifia les conditions auxquelles il permettrait à Augustenbourg de s’installer dans les Duchés : à savoir de livrer à la Prusse son année, sa marine, ses forteresses, Kiel, Rendsbourg, tout l’essentiel de ce qui constitue un pouvoir souverain ; on lui abandonnerait le reste.

C’est ce qu’on a appelé « les conditions de février » (22

  1. Si ce n’est en ce qui concerne les districts danois du nord du Sleswig.