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anglais d’être des menteurs et des meurtriers. Il déclare que la politique des Anglais à l’égard des Boërs se résume tout entière en ces mots : « Soumettez-vous ! nous sommes les maîtres, et nous allons vous le faire sentir. » Il considère comme un des signes les plus désolans du retour des Anglais à la barbarie leur admiration pour M. Rudyard Kipling, « dans l’œuvre duquel un dixième de christianisme nominal se joint à neuf dixièmes de paganisme réel. » Il définit M. Chamberlain « un ambitieux d’humeur despotique qui, après avoir appris à la mairie de Birmingham l’art de se subordonner son entourage, s’est introduit, à force d’audace, jusque dans le gouvernement du pays. » Et voici en quels termes il répond à ceux qui lui reprochent de manquer de patriotisme, parce qu’il ne peut se contraindre à approuver la politique, contraire à toutes ses idées, où semble désormais se plaire sa patrie :


L’abolition précoce du servage en Angleterre, le développement précoce d’institutions relativement libérales, une reconnaissance plus grande des besoins du peuple après que la chute de la féodalité eut détaché les masses du sol : ce sont là des traits de la vie anglaise d’autrefois dont nous avons droit d’être fiers. Lorsque les Anglais ont décidé que tout esclave qui mettait le pied dans leur pays devenait libre, lorsqu’ils ont défendu l’importation des esclaves dans les colonies, lorsqu’ils ont payé vingt millions pour l’émancipation des Indes Occidentales, nos compatriotes ont fait là des choses dignes d’être admirées. Et lorsque l’Angleterre a donné asile aux réfugiés politiques, et a pris en main la cause de petits États luttant pour leur liberté, là encore elle a montré une noblesse que nous devons aimer. Mais il y a d’autres traits, dans sa conduite, des traits malheureusement sans cesse plus fréquens, qui font naître en nous des sentimens opposés. La connaissance des actes au moyen desquels l’Angleterre s’est acquis plus de quatre-vingts possessions, cette connaissance ne provoque guère notre satisfaction. La substitution, aux missionnaires, d’agens résidens, puis d’officiers munis d’une force armée, puis de châtimens pour ceux qui résisteraient à l’envahisseur, enfin de la soi-disant « pacification ; » ces procédés d’annexion, parfois lents et parfois soudains, — comme ceux employés dans les nouvelles provinces indiennes et dans le Barotziland, dont on a fait une colonie anglaise sans s’inquiéter davantage des désirs des habitans que de ceux des animaux du pays, — n’excitent point la sympathie à l’égard des hommes ‘qui y ont recours. Mon amour pour mon pays n’est point stimulé en moi lorsque je me rappelle comment, après que notre Premier Ministre eut déclaré que nous étions tenus d’honneur, vis-à-vis du khédive, à reconquérir le Soudan, nous nous sommes mis aussitôt à l’administrer au nom de la Reine, en réalité à nous l’annexer ; ou encore comment, après avoir promis, par la bouche de deux ministres des colonies, de ne pas intervenir dans les affaires intérieures du Transvaal, nous avons imaginé d’exiger certaines modifications électorales, et fait de la résistance