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REVUE LITTÉRAIRE

LE ROMAN COLLECTIF

Aux époques où la sève abonde dans les littératures toutes neuves, il faut de vastes compositions pour satisfaire le besoin d’imaginer qu’ont les auteurs et la curiosité d’un public qui n’est pas encore blasé. Les Grecs, spectateurs de tragédies, n’avaient pas leur compte à moins qu’on ne leur donnât trois pièces, voire quatre se faisant suite ; les épiques anciens embrassaient tout un cycle d’aventures et nos faiseurs de chansons de gestes, ayant chanté les héros, accompagnaient encore les fils de ces glorieux pères dans leur carrière merveilleuse ; les deux peintres déroulaient dans leurs fresques toute une légende pieuse, toute la vie d’un saint. Faut-il croire que nous revenons à ces temps d’abondance facile et d’heureuse fécondité ? C’est aux romanciers d’aujourd’hui que nous devrions ce retour aux pratiques d’autrefois. Très différens de tels conteurs d’hier, qui se déclaraient incapables de remplir sans longueurs les dix pages d’une nouvelle, ils se trouvent à l’étroit dans le cadre d’un seul volume, et leurs récits, qui se déroulent à travers beaucoup de temps, exigent beaucoup d’espace. Tandis que M. Paul Adam range sous ce titre général Le temps et la vie[1] une série de romans destinés à nous faire suivre les étapes successives de la vie française au cours du XIXe siècle et que MM. Paul et Victor Margueritte donnent à leurs récits de l’année terrible l’appellation pareillement cyclique de Une époque[2],

  1. M. Paul Adam : Le Temps et la Vie. — La Force, l’Enfant d’Austerlitz, 2 volumes (Ollendorff).
  2. MM. Paul et Victor Margueritte : Une époque. — Le Désastre, Les Tronçons du Glaive, Les Braves Gens, 3 vol. in-12 (Plon).