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Amour, loin de vos jeux revoir le bord des eaux
Où trempent, azurés et blancs, des quais de pierre
Pareils à ceux qu’un jour dans l’Hellas printanière
Parcoururent Léandre et la belle Héro,

Voir sans vous, sous la lune assise au haut du cèdre,
La volupté des nuits laiteuses d’Orient,
Et souffrir, le passé au cœur se réveillant,
Les étourdissemens d’Hermione et de Phèdre ;

Toujours privé de vous, feuilleter par hasard,
Tandis que l’acre Été répand son chaud malaise,
Ce livre où noblement la Cassandre française
Couche au linceul de gloire et sourit à Ronsard,

Et quand l’automne roux effeuille les charmilles
Où s’asseyait le soir l’amante de Rousseau,
Être une vieille, avec sa laine et son fuseau,
Qui s’irrite et qui jette un sort aux jeunes filles... ;

— Ah ! Jeunesse, qu’un jour vous ne soyez plus là,
Vous, vos rêves, vos pleurs, vos rires et vos roses,
Les Plaisirs et l’Amour vous tenant, — quelle chose.
Pour ceux qui n’ont vraiment désiré que cela...


PLUIE EN ETE


O soir lavé de pluie et balayé de vent,
O soir et lune !
Une heure se retire et l’autre va devant.
Belle chacune ;

L’air frais semble allégé de toutes les fadeurs.
De ces détresses
Qui dans le soir d’été montent de tant de cœurs
Qu’un cœur oppresse ;