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plate-forme, nous en voyons arriver d’autres, besace au clos. Dans toute la Russie, les pèlerinages marquent la fin des travaux des champs ; la moisson étant faite, les moissonneurs se donnent un peu de bon temps : dévotion et pique-nique combinés. Nous apprenons ainsi que la Vierge du mont Athos est venue depuis peu rejoindre la Vierge de l’iconostase qui existait du temps de la bataille. Les dames de la ville ont amplement subvenu à ses frais de voyage ; mais l’archevêque de Poltava, une des lumières trop rares de l’Eglise orthodoxe, leur conseilla d’ajouter à cet acte pieux en lui-même quelques actes de charité, de sorte qu’elles ont installé un asile pour les pèlerines à côté de celui ou trois moines accueillaient déjà les pèlerins. Nous sommes reçues dans ce refuge au moment où de pauvres paysannes épuisées se reposent sur les bancs de bois en prenant du thé très léger avec beaucoup de pain blanc, et, luxe évidemment apprécié, un peu de sucre. Au milieu d’elles, la présidente de l’œuvre, une pieuse demoiselle de Moscou, veille à ce qu’elles soient bien soignées. Les plus fatiguées, les malades et de préférence les veuves de soldats, sont logées dans une suite de petites chambres très propres attenant à son logis particulier. Elle s’est consacrée corps et âme aux pauvres, avec joie, avec tendresse ; ses bons yeux, son bon sourire l’attestent. Ce thé de cinq heures, d’un nouveau genre, n’est pas servi seulement aux vieilles femmes, mais à une troupe de petits garçons, élèves de l’école voisine, qui, serrés autour d’une longue table, portent sur toutes leurs frimousses fraîches l’expression de la gourmandise satisfaite. Et, charitable en tout, la fée bienfaisante de l’endroit retrouve pour m’accueillir quelques mots de français, qu’elle a un peu oublié, dit-elle.

La chère femme s’est mise aussi à la tête d’un hôpital de quasi-centenaires, jusque-là sans feu ni lieu. Après nous avoir renseignées sur toutes les œuvres secondaires, créées avec les intérêts accumulés des cent mille roubles du digne conseiller d’Etat, dont le portrait en perruque et en habit de cour côtoie la figure vénérable de l’archevêque, mitre en tête, et la figure moins sympathique de M. Pobedonotseff, elle nous fait connaître avec orgueil celle qui lui paraît la plus importante, la petite école normale destinée à préparer des instituteurs pour les écoles paroissiales. Voilà l’effet salutaire de la concurrence : jusqu’ici, ces écoles paroissiales dans les villages ont été plus que médiocres, absolument