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tout est prêt. Il s’embarque : un bon vent le pousse ; dix-sept jours il navigue sur les mers sémitiques, puis sur les mers grecques : le dix-huitième jour, il aperçoit la terre des Phéaciens. Il semble bien que nous ayons dans l’Odyssée l’alternance ou la combinaison des deux rythmes sept et cinq, et que cette numération soit, comme la toponymie, gréco-sémitique. Et, comme la toponymie, cette numération suppose une source écrite, un périple étranger, qui ne compte pas en dizaines ou douzaines les distances approximatives, mais en semaines.

En résumé, je crois que l’île de Kalypso au pied d’Atlas ne peut être Ispania au pied d’Abila, la Cachette au pied du Pilier, Perejil au pied du Mont-aux-Singes, que si deux conditions sont remplies :

1° Il faut que le poème grec soit contemporain d’une thalassocratie phénicienne ou postérieur à cette thalassocratie, car il faut qu’aux temps odysséens les marines sémitiques soient, d’une part, en possession des Colonnes, et, d’autre part, en contact avec la Grèce homérique.

2° Il faut en outre que le poète grec ait eu sous les yeux l’original ou la traduction d’un périple sémitique.

Prenez maintenant un autre épisode des voyages d’Ulysse, l’arrivée chez les Phéaciens, et voyez si cette rencontre de Nausikaa ne vous conduit pas aux mêmes hypothèses que la captivité chez Kalypso.


VICTOR BERARD.