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renommée du poste continental, Aden, n’empêche pas l’île même de la passe, Périm, de rester célèbre parmi les marins et parmi les géographes). Si les Hellènes homériques ont connu Kalypso, les Romains, sans le savoir, la connurent aussi et même ils ne connurent d’abord ces parages de l’Extrême-Couchant que sous le nom sémitique de Kalypso, et toujours ils gardèrent à ces parages le nom phénicien d’Ile de la Cachette. À notre tour, sans le savoir, dans nos traités de géographie contemporaine, nous parlons couramment encore de cette Île de Kalypso, dont nous avons singulièrement déplacé le gîte et élargi les dimensions. Un doublet gréco-sémitique va nous ramener à la compréhension plus exacte de ce vocable que nous employons sans le bien comprendre, car nous appliquons maintenant à toute la péninsule ibérique ou espagnole le vieux nom que les premiers navigateurs sémitiques donnèrent à Perejil : Espagne, I-spania, l’Ile de la Cachette.

La plupart des géographes admettent que, les Romains ayant d’abord connu l’Espagne par l’intermédiaire des Carthaginois, le mot Ispania est peut-être sémitique. Les traités de commerce que nous rapporte Polybe nous montrent encore, dans la Carthage du VIe siècle, l’intermédiaire commerciale entre les nations italiennes et la mer Occidentale : les Carthaginois, par ces traités, se réservent le monopole de cette mer. Le mot Hispania ou Ispania se présente d’ailleurs comme l’un de ces noms d’île méditerranéenne qui commencent par le mot sémitique ai, e, ou i, île : les Gréco-Romains disent aussi σπανία et σπάνος, spanus et spania, comme si le début du nom en pouvait être séparé sans trop altérer le sens. Pour la seconde partie de ce vocable, la plupart des géographes et étymologistes songent à la racine sémitique sapan, dont un dérivé sapoun ou sapin signifie trésor. L’Espagne serait l’Île du Trésor. L’Espagne minière, productrice de toutes les richesses minérales, mérite bien ce nom. Il est seulement impossible que les mots sémitiques I-sapoun ou I-sapin aient donné aux Gréco-Latins I-spania : d’après les similaires de l’Écriture, nous aurions I-saphon ou I-sapinum. Tout en gardant la racine sémitique sapan, je crois qu’il faut chercher une autre étymologie.

Or cette racine sapan est l’exact équivalent du grec kalupto, cacher, recouvrir, enterrer, et, comme les Grecs de leur racine kalupto formèrent le substantif Kalypso, de la racine sapan se