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autre que ceux actuellement pendans devant le Sénat, le Corps législatif et le Conseil d’État (26 avril 1865).

La session continua pendant l’absence de l’Empereur. L’Impératrice, qui suivait très attentivement les travaux parlementaires, eut l’idée d’inviter successivement les membres des diverses commissions afin de s’entretenir avec eux de leurs travaux. Elle y gagna : on la croyait futile, on fut surpris du sérieux de sa conversation.

Comme je venais d’être nommé membre d’une commission sur les Sociétés commerciales, Rouher m’aborda et me dit : « Vous êtes parmi les commissaires de la Chambre ; pour vous éviter l’embarras d’un refus, avant qu’on vous envoie une invitation, j’ai voulu savoir si vous accepteriez. — Les culottes courtes et l’uniforme sont-ils de rigueur ? — Je m’en informerai. » J’avais à peine quitté Rouher que le marquis de Pierre, écuyer de l’Impératrice, m’adresse la même demande, je lui fais la même réponse. « Il ne faut, me dit-il, ni culottes courtes, ni uniforme. — Dans ce cas, on peut m’inviter, j’accepterai. »

Le 6 mai, je me rendis aux Tuileries. Le dîner avait un caractère tout à fait intime. En dehors de la maison, les convives étaient : le sénateur Laity, le conseiller d’Etat Langlais, Ravaisson le philosophe, les députés Darimon, Du Mirai, Quesné. L’Impératrice entra et vint à moi. Je m’inclinai. Après un petit moment d’embarras : « Il y a eu séance aujourd’hui. — Oui, Madame, mais je n’engage pas Votre Majesté à la lire, car elle n’a guère été intéressante. » — Alors Du Miral dit, comme pour me présenter indirectement : « Oui, cette discussion n’a guère été intéressante, quoique M. Ollivier y ait pris part. — Oh ! je connais M. Ollivier, » fit l’Impératrice. On passa dans la salle à manger ; l’Impératrice plaça à ses côtés Laity et Langlais, en face d’elle le général Rollin et sa lectrice Mme Bouvet, dont je fus le voisin, ayant à ma droite Ravaisson. La conversation ne devint pas générale, et je m’occupai plus, je l’avoue, de ma belle et aimable voisine que du philosophe.

Revenus au salon, après quelques propos échangés successivement avec ses invités, l’Impératrice s’approcha de moi et me dit : « Veuillez vous asseoir, » et s’assit en même temps : — « Je désirais beaucoup vous connaître et causer avec vous des choses qui nous intéressent. — Moi-même j’avais ce désir, et je saisis avec empressement l’occasion de remercier Votre Majesté des