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Tu comprends qu’il faut que je sache au juste ce qui se passe dans les hautes régions, et si la philosophie a chance d’être rétablie. Je voulais d’abord laisser là les agrégations et me présenter au doctorat à la fin de l’année. Je ne quitterai la philosophie qu’à la dernière extrémité, et je ne deviendrai serviteur du thème grec et du vers latin que dans l’espoir d’y rentrer un jour.

Si, comme tu dis, tu trembles de ma concurrence, tu as de la charité de reste. Desséché et durci par plusieurs années d’abstractions et de syllogismes, où retrouverai-je la verve, le style, les grâces latines et les élégances grecques nécessaires pour ne pas être submergé par quatre-vingts concurrens, pour arriver à côté de Max[1], Sarcey, toi, etc. Je vais reprocher mon sol en jachère, tu sais comme, et avec quels coups. Si j’ai la même fortune que l’an dernier, comme il est probable, ma volonté en sera innocente ; je ferai tout, pour surnager. Que Cicéron me soit en aide !

Je compte un peu sur toi. Écris-moi des renseignemens sur les livres qu’il faut lire, etc. Parle-moi de Babrius, de Denys d’Halicarnasse, de l’histoire de la métrique ancienne et autres jolies choses. Je t’enverrai peut-être quelquefois un thème grec, pour avoir tes corrections ou celles de M. Benoît[2]. Prête-moi l’épaule. Tombé une fois déjà, j’en suis tout meurtri.

Veux-tu prier Ed.[3] de m’acheter un petit Virgile de vingt sous, édition allemande, et de me l’apporter au retour ? Heureux Ed. Mais il vaut mieux qu’il soit agrégé que moi, parce que. peut-être je pourrai retrouver mes périodes cicéroniennes et mes hexamètres défunts. Son bonheur me console. Qu’il me donne au moins une bonne demi-journée, et toutes sortes de nouvelles et conversations de toi.

M. Simon vient de répondre à un mot que je lui avais écrit. Sa lettre laisse percer un blâme fort vif contre M. X... Qu’a donc

  1. Gaucher (Maxime), publiciste, né en 1829, élève de l’École normale en 1849, mort en 1888.
  2. M. Benoît (Jean-Joseph-Louis), né en 1815, entré à l’École normale en 1835, mort en 1898, remplaça M. Havet comme maître de conférences de langue et littérature grecques en 1850. Il ne fut pas le professeur de M. Taine, qui ne suivait pas cette conférence pendant sa troisième année d’École.
  3. Edouard de Suckau.