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VI

Les partisans de la doctrine des propriétés vitales ont démembré le principe recteur unitaire et indivisible de Bordeu et Barthez. Ils en ont fourni, en quelque sorte, la monnaie. Le pluri-vitalisme consiste à admettre l’existence de puissances spirituelles d’ordre inférieur qui régissent les phénomènes de plus près que ne le faisait le principe vital. On va voir ces puissances, moins élevées en dignité que l’âme raisonnable des animistes, ou que l’âme de seconde majesté des vitalistes unitaires finir par s’incarner dans la matière vivante dont elles ne seront plus que des propriétés. Plus rapprochées, en conséquence, du monde sensible, elles s’accorderont plus facilement avec l’esprit de recherche et le progrès scientifique.

Le défaut des conceptions précédentes, leur illusion commune avait consisté à chercher la cause hors de l’objet ; à demander l’explication des phénomènes vitaux à un principe étranger à la matière vivante, immatériel, sans substance. Ce défaut va être atténué ici. Les pluri-vitalistes en viendront progressivement à considérer les propriétés vitales comme des modes d’activité inhérens à la substance vivante dans laquelle et par laquelle elles se manifestent, dérivant de l’arrangement des molécules de cette substance, c’est-à-dire de son organisation. C’est presque notre conception actuelle.

Mais ce progrès ne se réalisera qu’au terme de l’évolution de la doctrine pluri-vitaliste. A ses débuts, celle-ci semble une aggravation de son aînée, et une forme encore plus outrée du paganisme mythologique qu’on lui reprochait. Les archées, les blas, les propriétés, les esprits, font, tout d’abord, l’effet des génies ou des dieux que les anciens avaient imaginés pour présider aux phénomènes naturels de Neptune secouant les eaux de la mer et d’Éole pressant l’outre des vents pour déchaîner la tempête. Il semble que ces divinités du monde antique, ces nymphes, ces dryades et ces sylvains se soient métamorphosés au moyen âge, dans cette période raisonneuse et philosophante de l’histoire de l’humanité, en causes occultes, en puissances immatérielles, en forces personnifiées.


Le premier des pluri-vitalistes fut Galien, le médecin de