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sécrètent, les mille manifestations réflexes de notre système nerveux. L’âme qui se connaît est pourtant ignorante de tout ce mouvement vital : elle lui est, par conséquent, étrangère. C’est là ce qu’ont déclaré tous les philosophes de l’antiquité. Pythagore distinguait l’âme véritable, l’âme pensante, le Nous, principe intelligent et immortel caractérisé par les attributs de la conscience et de la volonté, d’avec le principe vital, la Psyché, qui donne au corps le souffle et l’animation, et qui est une âme de seconde majesté, active, passagère et mortelle. Aristote faisait de même : il mettait d’un côté l’âme proprement dite, mens ou intellect, c’est-à-dire l’entendement avec ses lumières rationnelles ; de l’autre côté était le principe recteur de la vie, la Psyché irraisonnable et végétative.

Cette distinction est évidemment très commode. Les phénomènes vitaux ne s’arrêtent pas aux animaux supérieurs, et à l’homme à qui nous pouvons reconnaître une âme raisonnable ; ils s’étendent à l’immense multitude des êtres plus humbles à qui l’on ne saurait attribuer des facultés si hautes, les invertébrés, les animaux microscopiques et les plantes. En revanche, elle a l’inconvénient de briser délibérément toute continuité entre l’âme et la vie : continuité qui est le principe de l’animisme et de l’unicisme, et, on peut le dire, le vœu même de la science et sa tendance indéniable.

Quant à la philosophie, elle satisfait à la nécessité d’établir l’unité de l’être vivant, d’une autre manière que nous n’avons pas à considérer ici. Elle attribue à l’âme plusieurs puissances distinctes : puissances de la vie végétative, puissances de la vie sensitive, puissances de la vie intellectuelle. Et cette autre solution du problème serait, selon M. Gardair, entièrement conforme à la doctrine de saint Thomas.


Le vitalisme a atteint son expression la plus parfaite dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, avec les représentans de l’Ecole de Montpellier, Bordeu, Grimaud et Barthez. Ce dernier surtout contribua à le faire prévaloir dans le milieu médical. Erudit de premier ordre, collaborateur de d’Alembert pour l’Encyclopédie, il exerça sur la médecine de son temps une action tout à fait prépondérante. Fixé à Paris pendant une partie de sa carrière, médecin du roi et du duc d’Orléans, on peut dire qu’il employa au profit de ses doctrines toutes les formes d’influence qui pouvaient