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complet, de plus profond, sur les vrais principes de l’art si difficile de l’expérimentation. Ce livre est à peine connu parce qu’il est à une hauteur où peu de personnes peuvent atteindre aujourd’hui. L’influence qu’il exercera sur les sciences médicales, sur leur progrès, sur leur langage même, sera immense. On ne saurait la préciser dès à présent ; mais la lecture de ce livre laissera une impression si forte que l’on ne peut s’empêcher de penser qu’un esprit nouveau va bientôt animer ces belles études. » Voilà comment s’exprimait Pasteur en 1866. Voilà ce qu’il pensait de l’œuvre de son aîné et de son émule, au moment où il allait lui-même imprimer à ces « belles études » un mouvement de rénovation dont l’importance et les conséquences sont sans équivalent dans l’histoire de la science. Par leurs découvertes et leur enseignement, par leurs exemples et leurs principes, Claude Bernard et Pasteur ont donc réussi à soustraire une partie du domaine des faits vitaux à l’intervention directe des agens hypothétiques, des causes premières. Ils ont dû laisser toutefois à la spéculation philosophique, aux Forces directrices, à l’Animisme, au Vitalisme, un champ provisoire immense, celui qui correspond aux fonctions de génération, de développement, à la vie de l’espèce et à ses variations. C’est là que nous allons les retrouver.


III

On apprend aux enfans que la nature comprend trois règnes : le règne minéral et les deux règnes vivans, animal et végétal. C’est là tout le monde sensible. Puis, au-dessus se place le monde de l’âme. Les écoliers n’ont donc pas de doutes sur les doctrines que nous discutons ici. Ces doctrines posent, en effet, la question de l’homogénéité ou de l’hétérogénéité fondamentales de ces trois ordres de phénomènes : ceux de la nature, ceux de la vie, ceux de la pensée. L’animisme, le vitalisme, l’unicisme ne sont, en réalité, que les diverses manières de répondre à cette question : les manifestations vitales, psychiques et physico-chimiques sont-elles essentiellement distinctes les unes des autres ? Les vitalistes distinguent la vie de la pensée ; les animistes les confondent. Dans le camp adverse les mécanicistes, matérialistes ou unicistes, font la même confusion ; mais, de plus, ils refusent de distinguer les forces qui sont en jeu chez les animaux et les