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Dans l’histoire, cette voie de parcours facile a déjà été le chemin d’émigration d’un grand peuple : les Massaïs sont venus du Nord, pasteurs et nomades au milieu de tribus sédentaires et agricoles ; ils ont conservé leurs coutumes, leur langue et leur type. Au sud du Kilima-Njaro, plus bas que l’équateur, le Massaï apparaît du premier coup au voyageur, comme d’une race différente de celle des autres noirs.

Le chemin de fer de l’Ouganda traverse, non sans d’énormes difficultés, un pays sans eau, de la rivière de Voï à celle de l’Athi. Pour permettre le fonctionnement de la ligne, on a dû installer des caisses d’eau et d’énormes réservoirs, tant pour les hommes que pour les locomotives. L’alimentation nécessite la circulation de nombreux trains d’eau. Pour une route de caravane, les abreuvoirs ne peuvent pas être distans de plus de 30 à 35 kilomètres. J’ai traversé le port de Salingéti, de Boura à Taveta : la route, sur 97 kilomètres, manque d’eau presque en tout temps. Cette traversée qu’on peut faire en deux jours, en marchant de nuit pour moins boire, cause d’assez dures misères et son histoire est fertile en tragédies causées par la soif. La locomotive, au contraire, peut en marche ordinaire franchir 150 kilomètres sans eau ; mais en revanche elle est grande buveuse et des puits qui suffiraient à jalonner une route de caravane, seraient rapidement taris par un chemin de fer.

L’idée de jeter une voie ferrée dans le fossé de droite vient naturellement à l’esprit de qui le parcourt. Les dénivellations de terrain sont très faibles et la meilleure preuve en est la rapidité avec laquelle a marché le rail du chemin de fer de l’Ouganda quand, ayant descendu l’escarpement, il a été posé depuis la vallée de Kedong jusqu’au pied du Mau. La plus grande distance qui existe entre deux lacs est celle du Baringo au Rodolphe, c’est-à-dire environ 180 kilomètres, qu’une locomotive peut franchir sans difficulté.

Je me forme l’idée suivante des futures grandes voies de communication de l’Est africain. Un système reliera le Cap au Caire en passant par le Victoria Nyanza, le Rodolphe et Khartoum. Une branche de V joindra le lac Rodolphe à Djibouti ; ce sera probablement la première faite, car elle est beaucoup plus indiquée, au point de vue géographique, que celle qui franchira en montagnes russes les hautes vallées des affluens secondaires du Nil. Dans mes études au fort Ternan, je fus saisi de l’importance