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général doit être estimé comme très habile pour avoir été nommé à ce difficile poste de Téhéran, où il s’agissait, pour l’Angleterre, de sauver la vole contre la Russie qui avait gagné le point. Il aurait eu bien vite raison d’un simple capitaine, peu expert en l’art des réticences, et m’avait invité à un dîner au Champagne, en tête à tête, qu’un opportun mal de mer me permit d’esquiver. Pendant les deux grandes heures que nous causâmes sur le pont, il m’entretint des troubles de l’Ouganda et me parla longuement de la route du Cap au Caire. Sir H… m’affirma, le plus sérieusement du monde, qu’il avait l’idée de rentrer en Angleterre avec lady H…, par l’Ouganda, les marais du Nil et le Caire. Pour qui connaît la gracieuse et rose Parisienne qu’est lady H…, il est impossible de se la représenter dans les boues du Nil ; aussi j’enregistrai avec le plus grand sérieux les déclarations réitérées du consul général, bien convaincu qu’il n’en ferait rien, et que l’habile homme avait certainement ses raisons de vouloir ainsi me persuader.

La barre qui sépare le centre de l’Afrique des régions peuplées du Nord, n’est pas continue de l’Est à l’Ouest. Le voyageur qui descend du Kikouyou dans la plaine des lacs Naivaska et Nékuro, est saisi d’impression par le phénomène géologique dont il est le témoin. À ses pieds est une vaste table rase sur 40 kilomètres de large, qui s’étend à l’infini en avant et en arrière. De droite et de gauche se dressent deux hautes murailles parallèles, comme si dans le soulèvement volcanique la clef de voûte se fût affaissée en laissant les deux pans de mur qui la soutenaient. Cette impression reste la même, qu’on descende au Sud vers le lac Monyéra, dans le grand port Massaï, ou qu’on monte au Nord pendant de longues journées jusqu’au lac Baringo et jusqu’au Rodolphe. C’est ce qu’on nomme géographiquement le fossé de droite. On a assez bien l’idée de la chose en se figurant cheminer dans un fossé de vieilles fortifications, dont le caniveau se serait segmenté, faute d’entretien, en flaques et en ruisseaux assez bien représentés par le chapelet des lacs et de leurs affluens. À l’Ouest, les lacs Albert et Tanganyka jalonnent le fossé de gauche. Entre les deux, un plateau, semblable à une chaussée surélevée, supporte le Victoria Nyanza. Le fossé de droite passe au nord du Rodolphe et continue jusqu’à la Mer-Rouge par d’autres lacs, tels que le Stéphanie, le Zouaï, etc.