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services[1]. Les officiers de l’armée d’Allemagne qui, la campagne terminée, avaient regagné leurs loyers, couraient reprendre leurs postes. « La Trousse et mon fils, qui arrivèrent hier, sont aussi de ce nombre, écrit tristement la marquise ; ils ne sont pas encore débottés, et les revoilà dans la boue ! »

Un billet de Louvois avertit Luxembourg de ces décisions énergiques : « Lorsque Mgr le Prince et M. de Turenne marcheront sur la grande chaussée avec trente-cinq mille hommes, pour vous ouvrir le chemin, il faudra que les ennemis combattent ou qu’ils se retirent bien loin... Ainsi, oubliez tout ce que je vous ai mandé jusqu’à présent. Songez à vous mettre en lieu où vous puissiez subsister jusque vers la fin du mois prochain... Mgr le Prince et M. de Turenne pourront arriver à Charleroi depuis le 15 jusqu’au 20 du mois de janvier ; et, jusqu’à ce que vous ayez de leurs nouvelles, ne songez point à partir des quartiers où vous vous serez mis[2]. » Huit jours plus tard, Condé était effectivement en route, et Turenne prêt à le joindre. L’émotion publique se calmait ; les esprits, à la Cour, se remettaient d’une aussi chaude alerte. « Selon toutes les apparences, mandait le marquis de Pomponne[3], les ennemis n’attendront pas le combat contre une armée si considérable et commandée par de tels généraux, surtout se trouvant comme enfermés entre celle de M. le Prince et celle de M. de Luxembourg. Cette affaire a été regardée comme considérable ces derniers jours : mais, comme vous le voyez, elle sera bientôt remédiée. »

Elle fut « remédiée » en effet, plus vite qu’on n’attendait et d’une autre manière. La perspective de demeurer au camp, passif, « les bras croisés, » sous les murs de Maëstricht, pour y attendre le salut, ne souriait guère à Luxembourg. Aux soldats, comme au général, déplaisait cette longue inaction : « Dans l’envie que les troupes ont de rentrer en France, rien ne leur paraîtra difficile pour y aller ; au lieu que des quartiers par deçà pourraient bien les faire déserter[4]. » En cette disposition d’esprit, Luxembourg décida de chercher quelque stratagème pour échapper à l’étreinte de Guillaume et « se désopiler » tout seul. Son premier

  1. Note de Bussy du 31 décembre 1673. Correspondance générale.
  2. Lettres des 28 et 30 décembre 1673. — Archives de la Guerre, t. 317 et 331.
  3. Lettre au marquis de Feuquières du 29 décembre. — Lettres des Feuquières, passim.
  4. Lettre de Luxembourg du 31 décembre. — Arch. de la Guerre, t. 331.