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eu beau patrociner, je ne l’ai point persuadé ; et, au lieu d’aller en corps d’Arnheim à Deventer, il s’est séparé en quatre, a fait de très petites journées et de très grands désordres... »

La prise de Bonn, qui dépendait de l’électorat de Cologne, par les armées unies du stathouder et de M. de Montecuccoli[1], redoubla bientôt l’affolement et jeta l’Électeur dans des accès de désespoir. Luxembourg cependant, à la première nouvelle, courut à son secours avec de l’infanterie, mit dans les places de Nuys, de Neuss et de Keyserwerth de solides garnisons, tandis qu’avec un corps d’armée le maréchal d’Humières couvrait les abords de Cologne. Ces deux mouvemens, bien combinés et rapidement exécutés, empêchèrent les coalisés de pousser plus loin leurs conquêtes et préservèrent l’électoral. Mais le lendemain demeurait incertain et critique. « Si vous pouviez trouver une occasion d’attaquer les ennemis avec une apparence de succès, mandait Louvois à Luxembourg[2], l’avantage que vous auriez sur eux serait un coup de partie ; car rien n’est plus important que d’empêcher que les habitans de Cologne ne leur ouvrent leurs portes. Mais c’est plutôt l’ouvrage d’un ambassadeur que celle d’un général d’armée. » Les plénipotentiaires réunis à Cologne « tremblaient » en effet « dans leur peau, » et pressaient Luxembourg de ne songer, toute autre affaire cessante, qu’à les bien protéger contre le prince d’Orange. L’un d’eux, M. Courtin, se plaignait même fort aigrement des généraux, « qui tournaient la guerre en chicane » » et menaient dans leurs camps « une vie de plénipotentiaires. » — « Quand M. Courtin parle de cela, riposte vivement Luxembourg, il lui semble que cela nous est aussi aisé comme il est à lui de faire sa petite mine riante ; et il ne songe pas que ce serait aussi bien fait à lui de ne point trouver à redire à ce qui se fait à la guerre, comme il l’est à nous de ne point condamner ce qui se passe dans la négociation de son ambassade. » Puis, prenant l’offensive : « Messieurs les plénipotentiaires sont des gens bien cachés, s’ils sont bien avertis ; car, par tout ce que l’on voit d’eux, il paraît qu’ils ne savent pas grand’chose. Ils m’écrivent du 17 qu’ils ignorent où est M. de Turenne, et qu’ils ne savent même pas si les ennemis ont pris Bruhl[3] ! >.

  1. Le 12 novembre 1673.
  2. 13 novembre. — Archives de la Guerre, t. 317.
  3. Lettre du 20 novembre 1673. — Archives de la Guerre, t. 330.