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Hollandais, votre cas va bien.
Louis n’est pas inexorable,
Puisqu’il vous rend tout votre bien.
Rendez-en grâce au connétable[1] ;
Un compliment à l’amiral[2] ;
Tous deux ne vous servent pas mal.


L’audace des chansonniers passa même toute mesure, et d’abominables refrains allèrent jusqu’à pousser le peuple de Paris à faire subir aux prétendus coupables le sort que celui de La Haye avait infligé aux deux Witt :


... A l’exemple des Hollandois,
Savez-vous ce qu’il convient faire ?
Faisons de Colbert, de Louvois,
Ce qu’ils ont fait du Pensionnaire.
Tout le monde nous en louera,
Et la Fortune changera...[3]


Si cette émotion du public était, somme toute, peu justifiée, on n’en peut dire autant du chagrin et de l’inquiétude que témoignaient certains alliés du Roi, l’archevêque de Cologne et l’évêque de Munster. L’évacuation de la Hollande et le départ des troupes françaises auraient pour résultat infaillible et prochain de livrer sans défense les villes qu’ils occupaient encore, les territoires où ils tenaient quartier ; et les armées épiscopales n’avaient d’autre parti que battre vivement en retraite. Bien plus, les frontières mêmes de l’électorat de Cologne étaient menacées d’invasion. D’un côté, les troupes de Guillaume jointes au contingent espagnol, d’autre part, l’armée impériale sous la conduite de Montecuccoli, tournaient autour de cet Etat, semblaient vouloir s’y donner rendez-vous. « Il est aisé de juger en quel embarras d’esprit se trouve M. de Cologne, mande à Louvois le prince Guillaume de Fürstenberg[4], lorsqu’il voit tous ses États ruinés, sur le point d’être perdus, et nul moyen d’entretenir ses troupes et de subsister pour sa propre personne ; et tout cela, non par sa faute, mais par celle de ceux qui veulent que tout se règle par leur opinion particulière. » Aussi l’irritation croissait-elle chaque jour davantage dans ces cours ecclésiastiques. « Jamais

  1. Louvois.
  2. Colbert.
  3. Nouveau siècle de Louis XIV, année 1673.
  4. Lettre du 7 novembre 1673. — Archives de la Guerre, t. 348.