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utile, en marchant du côté du Brabant, comme M. de Luxembourg témoigne le souhaiter ; » mais il alléguait en même temps la faiblesse de sa propre armée, le danger qu’il courrait à dégarnir les villes de Flandre, et l’ordre exprès du Roi de demeurer en place pour tenir en respect les forces espagnoles. Par suite, il ne restait d’espoir que dans le renfort de Galen. Il tarda quelque peu ; les premiers escadrons parurent dans la soirée du 12, le reste suivit dans la nuit[1]. Et, disposant enfin d’un corps de douze mille cavaliers, Luxembourg le soir même partit pour Amersfort, décidé coûte que coûte à marcher sur-le-champ à la délivrance de Naerden.


III

Le mouvement commençait, aux premières lueurs de l’aube, quand une nouvelle survint qui l’arrêta tout net, une nouvelle stupéfiante et qu’on eut d’abord peine à croire. Naerden était au pouvoir de l’ennemi ! Le gouverneur du Pas avait capitulé la veille, après quatre jours de tranchée, ayant tous ses canons intacts, toutes ses défenses en bon état, deux mille sept cents soldats valides, des munitions, des vivres pour un mois, l’ennemi n’ayant encore « ni comblé un fossé, ni pris une demi-lune, » ni même fait mine de monter à l’assaut, et s’étant contenté d’un bombardement à distance. « La ville a été prise à coups de canons et de bombes, comme M. de Munster fait ses conquêtes ! » s’écriait Luxembourg avec une surprise indignée. Les détails que l’on eut bientôt ne purent qu’aviver cette colère. « La tranchée, mande-t-il à Condé[2], fut ouverte dans la nuit du vendredi au samedi, sans que du Pas s’en fût aperçu qu’à la pointe du jour. » Alors, sans vérifier « de quel côté était le travail des ennemis, il fit faire un feu continuel de tous ses bastions et de sa courtine. Après quoi, ayant ouï dire qu’à un siège on faisait des sorties, il commanda deux cent cinquante hommes le matin pour en faire une ; mais on ne sortit pas, parce qu’on lui fit remarquer que l’ennemi était trop éloigné de la place. » Quatre jours s’écoulèrent ainsi, dans des irrésolutions constantes. Enfin, la nuit du 12, du Pas assembla son Conseil ; il fit « une longue

  1. Luxembourg à Condé, 15 septembre. — Archives de Chantilly.
  2. Lettre du 19 septembre. — Archives de Chantilly.