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assauts brillans où beaucoup de noblesse périt. Mais, en réalité. Luynes empêchait tout par ses éternelles négociations : tantôt avec Sully, tantôt avec Rohan, tantôt avec des personnages plus minces ; il était en manigance perpétuelle, comptant toujours que son savoir-faire arrangerait les choses. Il eût mieux fait de laisser agir les soldats.

Sur ces entrefaites, le chancelier Du Vair étant venu à mourir, Luynes, ne sachant à qui confier les sceaux et ne trouvant plus de fidélité assurée autour de lui, les garda pour lui-même. Il accumulait ainsi, sur sa tête, toutes les responsabilités et attirait sur elle toutes les foudres. Le Roi commençait à se méfier. Il tirait les gens dans les embrasures et leur parlait à l’oreille. Il se plaignait tout bas et disait que Luynes « faisait le Roi. » Venant d’un prince qui n’avait pas assez de ressources d’esprit pour mettre un long intervalle entre l’impression et l’action, ces dispositions étaient, tout au moins, dangereuses.

Cependant, Luynes, payant d’audace, remporta encore, sur ses adversaires, une nouvelle victoire, qui lui parut décisive. Le parti catholique auquel il avait tout sacrifié, ne le trouvait pas assez ardent. Le prince de Condé l’avait pris de haut avec lui et s’était retiré, dès la fin de l’année précédente, dans son gouvernement du Berry ; le Père Arnoux, resté près du Roi, menait, dans le camp même, toute l’intrigue contre le favori. Mais le Père fut bien surpris, quand, un beau jour, le Roi lui dit, d’un ton sec, qu’il n’avait plus besoin de ses services et qu’il lui retirait le soin de sa conscience. Jamais Jésuite plus sûr de lui ne fut plus décontenancé.

Le temps passait ; les semaines et les mois s’écoulaient. On bombardait à force ; d’après les conseils du Père Dominique, venu exprès d’Allemagne pour bénir les armes royales, on fit tirer, sur la ville elle-même, et non plus sur les fortifications, trois cents coups de canon à la volée, on livrait de petits assauts partiels où on perdait beaucoup de monde. On négociait toujours, et la ville ne se rendait pas.

Les seigneurs encore, et Rohan lui-même, eussent été d’assez bonne composition. Mais le peuple et les ministres étaient intraitables. Parmi ceux-ci, un des plus violens, Charnier, fut atteint d’un coup de canon en pleine poitrine. Sa mort fit de lui nu martyr et ne découragea nullement les autres.

Un grand effet moral fut produit, en sens contraire, sur