Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 8.djvu/895

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Bordeaux, s’appuyant sur le texte de saint Paul, interdisent l’accès de leur consistoire aux personnes porteurs de cheveux frisés. Fénelon, enfin, dans son Traité de l’éducation des filles, résume à peu près la note actuelle ; il blâme sans doute les frisures et n’approuve pas les coiffures trop volumineuses, mais sans lancer d’anathème, et s’exprimant suivant son goût, il conseille comme gracieuse la simplicité antique des cheveux flottans.

Progressons d’un degré dans l’artifice. Au moyen de poudre on peut donner à la chevelure un éclat factice ou lui appliquer une nuance transitoire. Sous le haut Empire, les cheveux vrais ou faux de Lucius Verus, de Commode, de Gallien reluisaient de poussière d’or dans les grandes circonstances, à en croire les récits de l’Histoire Auguste[1]. Par un singulier rapprochement, plus d’une grande dame de la cour de Napoléon III a repris cette mode des cheveux pailletés d’or, à l’occasion des réceptions des Tuileries, et Piesse[2], qui fournit ce dernier détail, ajoute que l’on vendait alors deux qualités bien distinctes de cette poudre : la première faite d’or véritable, la seconde composée simplement de limaille de cuivre.

Sans viser pour cela à faire resplendir sa tête, de nos jours encore, mainte brune s’est amusée à se changer en blonde pour un soir, en saupoudrant ses cheveux et sourcils noirs d’un nuage suffisamment adhérent de poudre jaunâtre. Elle imite alors sans le savoir les dames italiennes du Ve siècle dont saint Paulin de Noie recommande de fuir l’exemple. Pour les temps modernes, nous avons un passage fort curieux du journal de l’Estoile à la date de décembre 1593. « Certaines religieuses à Paris, dit-il, sous leurs voiles sont fardées, musquées et pouldrées. » On voit par là que les sévères admonestations des autorités ecclésiastiques du temps s’attaquaient à des abus parfaitement réels et graves.

Scandale d’autant plus grand que la pratique de la poudre aux cheveux ne s’implanta pas tout de suite chez les femmes du

  1. Faut-il donner à ce caprice une origine orientale ? Nous lisons dans l’Histoire des Juifs de Josèphe qu’aux temps de sa splendeur, le roi Salomon, lorsqu’il quittait son palais, se faisait escorter par de jeunes cavaliers dont la tête étincelait de papillotes en or.
  2. Auteur anglais auquel on doit un bon travail d’ensemble sur les cosmétiques et les parfums.