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blonde, soit blanche, suivant les époques, ne changeant pas avec l’âge du sujet, et surtout de cheveux se maintenant en grande abondance, malgré les ravages des ans, les soucis, les maladies. Pour réaliser ces diverses conditions, on a vu se produire différens artifices dont il nous reste à parler maintenant, depuis l’innocente frisure au fer, jusqu’à la poudre, jusqu’aux teintures bien souvent dangereuses et finalement jusqu’aux perruques.


I

Si la question de la frisure semble concerner exclusivement l’art du coiffeur, elle n’en a pas moins préoccupé les théologiens. Chez les Juifs, en effet, il était de la bienséance qu’une femme n’exposât jamais sa chevelure aux regards des hommes. Par l’organe de saint Paul, l’Eglise ordonna de même aux néophytes chrétiennes d’assister voilées à l’office divin, et cette règle est encore suivie. Elle régit strictement les religieuses dont le voile constitue l’emblème essentiel ; elle gouverne aussi les laïques qui, bien que libres d’agir à leur gré dans la vie ordinaire, doivent couvrir leurs cheveux à l’intérieur des églises. Beaucoup plus sévère aux temps primitifs du christianisme que de nos jours, une semblable règle s’attaquait moins à l’exhibition d’or et de perles dans les cheveux, — beaucoup de jeunes femmes avaient pour ne pas la pratiquer les mêmes raisons que la bergère de Boileau, — qu’à l’étalage de cheveux trop bien ajustés et surtout frisés, agrément à la portée des coquettes les moins fortunées. Aussi une lutte s’établit-elle entre la frisure désireuse de s’étaler au grand jour et le voile qui supprimait toute élégance. Tertullien, dans l’opuscule De velandis virginibus, et saint Cyprien écrivirent sur ce sujet des dissertations qui nous sont parvenues. La mode des cheveux frisés disparut complètement de la tête des saintes femmes, perdit peu à peu de sa généralité, mais se maintint à travers les âges à titre d’exception.

Un concile tenu à Constantinople au VIIe siècle anathématise encore les cheveux frisés ou bouclés par artifice. En 1583, c’est particulièrement aux ecclésiastiques porteurs de cheveux longs frisés ou bouclés que s’adressent les vertes semonces d’un concile provincial tenu à Tours. Plus tard, en 1644, les protestans