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disait Mazarin, que « le plus grand homme de son temps aima le plus au monde. » Peut-être les lecteurs d’un récent volume ont-ils reconnu à ces traits Isabelle de Montmorency[1], la « belle Boutteville » de l’hôtel de Condé, l’artificieuse duchesse de Châtillon de la Régence et de la Fronde, remariée aujourd’hui au duc régnant de Mecklembourg-Schwerin, et femme très capricieuse d’un époux très extravagant. C’est aux démêlés du ménage que se rattache la visite à Utrecht de la célèbre sieur du duc de Luxembourg, à la suite d’incidens dont on me permettra de dire quelques mots en passant.


VII

La mésintelligence de ce couple orageux datait, pour ainsi dire, du lendemain de leurs noces. Leurs différends, depuis huit ans, n’avaient cessé de défrayer l’entretien de la Cour. Leurs parens, leurs amis, les plus hauts personnages, chacun s’en mêle tour à tour et cherche à les raccommoder. Louis XIV, lui-même, daigne s’en occuper, propose à la duchesse « les bons offices d’un Roi qui la considère beaucoup, » et qui ne veut, dit-il, « tenir d’autre parti que celui que les véritables amis ont accoutumé de prendre en de semblables affaires, qui est d’essayer avant toutes choses de les terminer à l’amiable[2]. » Quant à Condé, c’est à toute heure qu’il intervient dans ces querelles, quelquefois seul, le plus souvent de concert avec Luxembourg ; leurs efforts combinés ne tendent qu’à procurer « une réconciliation durable. » Vers la fin de l’année 1671, ces laborieux pourparlers semblent enfin sur le point d’aboutir. La duchesse se résout, non sans résistance et sans peine, à quitter ses châteaux de France pour résider avec le duc dans sa principauté. « Le 31 du mois d’octobre, annonce le rédacteur de la Gazette de France, la duchesse de Mecklembourg partit de Paris pour aller en Allemagne trouver le duc son époux, avec un équipage des plus magnifiques. » Cet accord, néanmoins, n’est pas de longue durée. Trois mois après, le duc, à bout de force et de patience, abandonne ses États, revient se fixer à Paris, laissant, au mépris

  1. Voyez la Jeunesse du maréchal de Luxembourg, et notamment les chapitres II, V et XI.
  2. Lettre du Roi à Madame de Mecklembourg, du 23 avril 1664. — Archives de la Guerre, t. 635.